Matthew Sage est de retour au Colorado. Après 10 ans d’aventures musicales à Chicago, marquées par des collaborations avec une demi-douzaine de labels et des installations à l’Art Institute of Chicago, le musicien a regagné la campagne où il a grandi, au pied du Front Range, la chaîne de montagnes qui surplombe les grandes plaines. Il y a installé sa famille et a transformé une grange en studio.
Tender / Wading est le premier disque qui résulte de ce déménagement. Le disque s’ouvre d’ailleurs sur le son des crapauds des Rocheuses qui croassent à proximité de la grange. L’album s’appuie en effet sur des enregistrements de terrain réalisés dans les environs. Matthew Sage joue d’une dizaine d’instruments (piano, clarinette, synthétiseurs, guitares, accordéon, percussions…) mais sa musique n’étouffe jamais les sons qui l’inspire. Au contraire, elle les laisse vivre leur propre vie, comme lorsque la musique cesse un instant pour que résonne le hululement d’un hibou.
Il y a quelque chose dans ce recueil de titres instrumentaux qui est de l’ordre du journal intime. Sans qu’un mot ne soit prononcé, il y est question de retour sur ses traces, d’environnement, d’identité. Matthew Sage construit ses morceaux en empilant les pistes, en démarrant, par exemple, avec quelques notes hésitantes et répétitives de la clarinette reprise par un piano, puis une guitare, puis des percussions et un contexte électronique. Des paysages émergent ainsi de la brume.
Une écoute attentive est recommandée, pour ne rien rater des subtils changements qui s’opèrent d’un morceau à l’autre. Avec ses accents antédiluviens, l’électronique donne un éclat nouveau aux instruments de bois et d’ivoire, qui vagabondent dans un espace encore vierge, quelque part entre post-rock, musique néoclassique, free jazz et country au ralenti. S’il fallait absolument coller une étiquette à ce disque inclassable, on parlerait sans doute d’ « ambient champêtre »…
Photo de têtière : François Mauger