L’été est la saison des rattrapages : on écoute enfin des disques sortis aux heures de pointe, on relit ses notes… On se souvient notamment que, début mai, la compositrice Susie Ibarra a reçu le prix Pullitzer pour son projet Sky islands. Trois mois ont passé, l’actualité a changé mais ce n’est pas une raison pour oublier cette création qui tire son nom des écosystèmes forestiers tropicaux de haute altitude situés au sommet des montagnes de Luzon, la plus grande île des Philippines. Baptisés « îles célestes », ces habitats isolés abritent des espèces d’une grande rareté, ce qui en fait des environnements naturels essentiels mais vulnérables, très sensibles aux changements climatiques.
Susie Ibarra est elle-même d’origine philippine. Ses parents ont migré au Texas peu avant sa naissance. Elle y a grandi et étudié la musique, devenant l’une « des 100 plus grands batteurs [batteuse, en l’occurrence] de la musique alternative » selon le magazine Spin. La compositrice a créé Sky islands avec la flûtiste Claire Chase, le pianiste Alex Peh et le Bergamot Quartet lors d’une soirée donnée par l’Asia Society de Manhattan. L’œuvre évoque les forêts tropicales de Luzon en mélangeant musique contemporaine occidentale et traditions locales. Susie Ibarra et le percussionniste Levy Lorenzo ont donc d’abord frappé le sol avec de longues perches de bambou, avant de marquer le rythme sur des bidons d’huile, des gongs et même des vases emplis de plantes. Cet univers sonore peu commun à New York a entraîné le public dans les forêts de pin où s’ébattent macaques à longue queue et civettes tachetées. Le jury du prix Pullitzer devait être dans la salle, puisqu’il reconnu la qualité de cette œuvre « à propos des écosystèmes et de la biodiversité » et a félicité la compositrice « d’avoir remis en question la notion de voix compositionnelle » en s’appuyant sur « la profonde musicalité et les talents d’improvisation d’un soliste comme outil créatif ».
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web de Susie Ibarra