[Université Paris 8] A écouter : « Earth Song » de Michael Jackson

En 2025, l'équipe de 4'33 Magazine a collaboré avec des étudiantes et des étudiants de l'Université Paris VIII, dans le cadre du cours de Makis Solomos sur la dimension écologique de certaines pratiques musicales. Plusieurs étudiantes et étudiants ont souhaité écrire un article. Nous publions ici celui de Marvin Xie, Oscar Bousset et Lola Decobecq.

Et si une chanson pouvait réparer la Terre ? En 1995 sort Earth Song, une plainte musicale à l’échelle du monde. Ni hymne, ni ballade, mais une sorte de prière apocalyptique, où la pop devient cri. Le monde brûle, les arbres tombent, les éléphants saignent – et pourtant, la musique continue. Michael Jackson ne nous demande pas d’écouter sa douleur, mais celle de la planète. Il nous plonge au cœur du cri. Là où tout reste possible, mais où plus rien ne devrait l’être. On entend les questions qu’on n’a pas voulu entendre : le bruit des arbres qui tombent, les pleurs des animaux, le vacarme des machines.

Dans Earth Song, la nature n’est pas un simple décor. C’est elle le sujet principal. La chanson ne parle pas de sa beauté, mais de sa destruction. En cela, Jackson va plus loin que les chansons engagées habituelles. Il transforme une chanson pop en message écologique fort, pour éveiller une conscience collective. Dès le début, les nappes de cordes créent une ambiance presque sacrée, comme après une catastrophe. La chanson monte en puissance, jusqu’à un final porté par une chorale. Ce n’est pas un message qu’on écoute, c’est une émotion qu’on ressent. Jackson incarne cette douleur avec sa voix, qui va jusqu’au cri, comme une dernière tentative d’alerter.

Cette souffrance n’est pas que mise en scène : Michael Jackson l’a ressentie personnellement. Il a expliqué plus tard : « Je me souviens avoir écrit Earth Song quand j’étais en Autriche, dans un hôtel. Et je ressentais tellement de douleur et tellement de souffrance à cause du sort de la planète Terre. […] Je pense que la Terre souffre, qu’elle a des blessures, et qu’il s’agit aussi de certaines des joies de la planète. […] C’est l’occasion pour moi de faire entendre la voix de la planète ».

Son engagement pour la Terre ne date pas de cette chanson : dès son plus jeune âge, il exprimait déjà une grande sensibilité à la nature et à la souffrance du vivant. L’écologie est un sujet qui l’animera toute sa vie, jusqu’à la création en 1992 d’une association écologique et humanitaire, « Heal the world » (dissoute en 2002), en hommage à sa chanson homonyme qui propose également des paroles engagées. A ce moment, il n’en est pas à son premier coup d’essai, ayant composé des chansons comme « We are the world », pour la famine en Ethiopie, ou « Man in the Mirror », qui invite à une remise en question de soi.

Le clip, réalisé par Nicholas Brandt, appuie le message de Michael Jackson. Il montre des images réelles : déforestation en Amazonie, guerre des Balkans, famine… ; rien n’est adouci ou stylisé. On sous-entend les sons du monde, les vrais. La deuxième partie du clip rembobine ces scènes. Non pas pour tout effacer, mais pour montrer que quelque chose d’autre est encore possible. Une utopie fragile mais réalisable. Ici, la musique devient cri. Un cri universel, lourd de colère et de tristesse. La voix de Jackson défend la Terre, comme un avocat dans un procès silencieux. Sa performance vocale est impressionnante, repoussant ses limites pour atteindre le monde.

Le clip a eu un impact fort. Il a choqué, touché, bousculé. Mais, aux États-Unis, certaines chaînes de télévisions ont préféré le censurer, jugeant le message « trop dramatique ». Cette réaction montre à quel point parler vrai sur l’état de la planète peut déranger. Earth Song ne donne pas de solutions immédiates – mais elle oblige à regarder la vérité en face. Les préoccupations écologiques s’entendent dans chaque niveau de l’œuvre : les paroles (« What about sunrise ? What about rain ? »), le cri et surtout le clip tourné dans de vrais lieux touchés par les catastrophes (forêt amazonienne, Tanzanie, Croatie, Etats-Unis). Les personnes présentes dans le clip ne sont d’ailleurs pour la plupart pas des acteurs, mais de vrais personnages.

Michael Jackson parle d’un « nous » global. Il ne désigne pas de coupables, il interroge. Les phrases répétées – « What about us ? » – sont comme un appel à la responsabilité. Il ne veut pas qu’on reste indifférents. Earth Song ne parle pas que des dégâts environnementaux. Elle parle aussi de notre lien brisé avec la Terre. Elle dénonce cette coupure. En ce sens, ce n’est pas juste une chanson : c’est une prise de position, une tribune artistique.

Et son influence se ressent encore. Des artistes comme Beyoncé (I Was Here), Childish Gambino (Feels Like Summer), Anohni (4 Degrees) ou Coldplay (Up&Up, Trouble in Town) ont, eux aussi, mêlé musique et conscience écologique. La voix de la planète continue de résonner – mais l’écoutons-nous vraiment ?

Photo de têtière : François Mauger
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Le site web du département musique de l'université

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