En 2025, l'équipe de 4'33 Magazine a collaboré avec des étudiantes et des étudiants de l'Université Paris VIII, dans le cadre du cours de Makis Solomos sur la dimension écologique de certaines pratiques musicales. Plusieurs étudiantes et étudiants ont souhaité écrire un article. Nous publions ici celui de Clara Ambert, Elif Duru et Julien Vliar.
Non seulement Francis Cabrel est reconnu pour ses multiples albums – tels que Samedi Soir sur la Terre (1994), qui fut d’ailleurs le plus vendu de sa carrière –, mais aussi pour sa sensibilité au monde qui l’entoure. Originaire d’Astaffort, un petit village du Sud-Ouest, il n’a jamais vraiment quitté ses racines. Dans une interview filmée en 1981 qu’on peut retrouver dans les archives de l’INA, il dit : « Parler d’Astaffort m’est difficile, c’est comme si tu demandais à un mec né à Paris de te parler de Paris. Dans la mesure où j’y ai vécu et où j’y vis encore, je pourrais dire que c’est la moitié de moi-même, mes racines, tout est là, la maison où j’ai grandi, où mes parents vivent encore ». C’est probablement cet attachement à son village qui le rend sensible à la cause écologique, devenue un enjeu de plus en plus pressant. Cette authenticité écologique, qu’on retrouve à travers ses musiques, peut se retrouver aussi dans ses actions.
À travers ses textes, il défend une vision simple et authentique du monde, loin de la modernité agressive ou de la consommation à outrance. On peut penser par exemple à « Les Chemins de traverse » ou encore à « Octobre », sorti en 1994 dans l’album Samedi soir sur la Terre, où il célèbre la beauté fragile de la campagne. Même dans « La Corrida », il exprime une forme de respect profond pour la vie animale.
Mais Francis Cabrel ne s’est pas contenté de sensibiliser à l’écologie par ses chansons. Depuis les années 1990, il agit concrètement pour défendre son territoire. Selon La Dépêche du Midi (2010), il a acheté plusieurs terrains autour d’Astaffort pour empêcher leur bétonisation. Ce geste a permis de préserver des terres agricoles menacées par l’urbanisation et de protéger ainsi le cadre naturel qui lui est cher.
Dans cette interview avec France Bleu Live, Francis Cabrel indique qu’il faudrait éviter de prendre les transports, en privilégiant le contact via les visioconférences. Certes, cela enlèvera une certaine proximité avec les autres, mais le taux de CO₂ émis par les différents moyens de transport que nous connaissons bien (avions, voitures, bus) devrait suffire à nous en convaincre.
En parallèle, il a créé en 1994 les Rencontres d’Astaffort, un événement destiné à soutenir les jeunes musiciens. Ce projet, en plus de son but culturel, a été pensé dans une logique écoresponsable : restauration avec des produits locaux, gestion raisonnée des déchets, valorisation des circuits courts. D’après Sud-Ouest (2019), Cabrel a toujours tenu à ce que l’événement reste à taille humaine et en harmonie avec son environnement.
Son engagement pour une vie durable ne s’arrête pas là. Il possède également un petit domaine viticole familial de 5 hectares, qu’il exploite selon des méthodes respectueuses de la nature. Comme le rapporte Vitisphere en 2015, il limite l’utilisation des produits chimiques, suivant une approche proche de la viticulture biologique afin de préserver les sols et la biodiversité locale.
En 2009, il a aussi participé financièrement à la réhabilitation d’un ancien moulin d’Astaffort, afin d’en faire un espace culturel. Cette rénovation, faite avec des matériaux traditionnels et dans le respect du patrimoine rural, témoigne encore une fois de son attachement à la préservation de l’environnement (source : La Dépêche, 2009).
Qu’en est-il maintenant ?
Cabrel vit toujours à Astaffort, un petit village du sud-ouest de la France, loin du bruit et du rythme des grandes villes. Là-bas, il a construit son propre studio, dans le respect de l’environnement, et c’est là qu’il crée sa musique. Le lieu, appelé Studio Baboo Music, est installé dans une ancienne grange rénovée avec sobriété. Rien d’industriel, tout y est pensé pour rester simple et proche de la terre. Dans ses chansons, cette sensibilité à l’écologie se ressent aussi.
Dans son dernier album À l’aube revenant, sorti en 2020, il y a une chanson intitulée « Jusqu’aux pôles », qui aborde le réchauffement climatique d’une manière originale. Il l’évoque avec de l’ironie et de la poésie. Il ne donne pas de leçon, mais nous pousse à réfléchir sur l’état du monde. C’est typique de lui, il reste discret mais percutant.
Son engagement se voit aussi dans la manière dont il crée. Il ne sort pas des albums tous les ans juste pour rester présent dans l’industrie. Il prend le temps de travailler en profondeur, sans suivre les tendances. Cette façon de fonctionner, plus lente et plus respectueuse, rejoint les valeurs écologiques : faire moins, mais mieux, respecter les cycles, ne pas surconsommer.
En 2024, il a lancé le Trobador Tour. Ce n’était pas une tournée gigantesque, mais quelque chose de plus intime, plus proche des gens. Il a fait attention à limiter les déplacements et à rester dans une certaine simplicité, tout en restant fidèle à lui-même. Après cette tournée, il a annoncé qu’il allait faire une pause pour écrire à nouveau, à son rythme.
Au fond, Francis Cabrel n’a pas besoin de grands discours pour prouver son engagement écologique. Il le vit au quotidien, à travers ses choix, sa musique, et sa façon d’être. Il montre qu’on peut être artiste, engagé et sincère sans forcément faire de bruit. Et ça, aujourd’hui, c’est assez rare !
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web du département musique de l'université