D’abord imaginé comme une fête de fin de confinement, le festival Sonic Bloom est devenu le rendez-vous de début d’été des Dijonais épris des sons de la nature. Ici l’onde, le Centre national de création musicale qui l’organise, prépare la prochaine édition, qui aura lieu du 30 juin au 5 juillet dans les espaces naturels de la capitale des Ducs de Bourgogne. Adèle de Baudouin y jouera un rôle important. La jeune écoacousticienne dévoile les grandes lignes de son intervention et présente son parcours…

Vous participez au festival Sonic Bloom, au travers d’une séance d’écoute de paysages sonores mais aussi d’une conférence intitulée « A l’interface de l’écologie et de la musique : représentation des paysages sonores naturels ». De quoi allez-vous parler exactement ?
Adèle de Baudouin : « Pendant cette conférence, je vais essayer d’expliciter ce qu’est un paysage sonore. Je partirai d’une définition historique. Cette notion émerge entre autres des pratiques de prises de son audionaturalistes puis elle a évolué, jusqu’à la notion de « soundscape » qui a été popularisée par Murray Schafer. A partir de là, je montre comment un paysage sonore peut être utilisé pour étudier la biodiversité dans le cadre de l’écoacoustique. Je vais parler des différents outils utilisés dans cette discipline scientifique. Je vais également parler d’un autre aspect des paysages sonores, celui de l’écoute et de la création artistique, qui est plutôt mobilisée en électroacoustique. Je vais diffuser plusieurs extraits pour montrer comment les compositeurs ou compositrices nous font écouter ces sons, souvent dans une perspective assez politique, afin de nous sensibiliser à la protection de ces espaces naturels. »

C’est là que se rejoignent l’écologie et la musique ?
Adèle de Baudouin : « Exactement. Le paysage sonore a toujours été à l’interface entre science et art. C’est super intéressant à aborder. En écoutant les paysages sonores, qu’on les aborde sous un angle scientifique ou avec un regard plus artistique, on réussit à en faire émerger plusieurs réalités, plusieurs vérités, puis à transmettre ces différentes informations au grand public. On essaie de communiquer à la fois sur des aspects scientifiques et des aspects artistiques, plus sensibles. Ça permet d’avoir un discours pluriel très intéressant dans une perspective de protection et d’encouragement à l’écoute des environnements naturels. »
Vous avez travaillé dans le milieu de la faune sauvage avant de vous relancer dans des études d’écoacoustique, que vous êtes, je crois, en train de terminer.
Adèle de Baudouin : « Je viens de soutenir ma thèse ! »
Pourquoi ce changement de direction ?
Adèle de Baudouin : « Personnellement, je ne le vois pas comme un retour aux études. J’ai commencé par un Master de biologie de la conservation au Muséum national d’Histoire Naturelle. J’ai ensuite bossé dans des associations de protection de la faune et de la flore. Je suis restée un peu sur ma faim. Ces associations font un travail absolument incroyable mais elles doivent travailler avec les associations de chasse, avec les autorités locales… Il y a des conflits autour des espaces naturels. Il faut faire des compromis en permanence, je n’y ai pas trouvé mon compte. Je ressentais vraiment une perte de sens. Il se trouve que je commençais à réaliser des enregistrements naturalistes, principalement sur les amphibiens, un peu aussi tournée vers les oiseaux. J’ai suivi une formation avec Bernard Fort, un compositeur électroacoustique, également ornithologue. Je me suis dit qu’il y avait là quelque chose qui me touche énormément. J’ai eu l’impression qu’on peut se servir de ces enregistrements de la nature pour communiquer. A partir du moment où on se met à l’écoute de l’environnement, on se met au second plan. L’écoute de l’autre rend forcément plus poreuses les frontières entre les humains et les non-humains. Porter de l’attention à l’autre amène à lui laisser un espace. J’ai eu envie de croiser cet aspect-là, qui vient de ma formation initiale d’écologue, et un aspect plus artistique, autour de la composition. J’ai contacté Jérôme Sueur, du Muséum national d’Histoire Naturelle, qui est un spécialiste de l’écoacoustique, et Pierre Couprie, qui est musicologue à l’université Paris-Saclay, et on a monté un projet de recherche-création autour du son, de l’écoacoustique et de la musicologie. Je voulais travailler sur des questions d’analyse musicale mais aussi des questions scientifiques. Ce qui me plaît le plus dans l’écoacoustique, c’est qu’on ne manipule pas les individus : il suffit de poser un enregistreur pour avoir plein d’informations. C’est une discipline peu invasive. Dans ma thèse, l’aspect de sensibilisation est vraiment très important. C’est pour cela qu’elle a inclus une part de création : une installation qui portait sur les paysages sonores du Parc Naturel Régional du Haut-Jura. L’installation n’est plus visible mais j’en diffuserai des extraits pendant le festival Sonic Bloom. »
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web de Sonic Bloom