Outed : « On ne donne pas de leçons mais on partage nos convictions »

Le ver de terre serait-il en passe de détrôner l’ours polaire dans l’imaginaire écologiste ? Après avoir « fertilisé la terre » chez André Minvielle et s’être faufilé « entre la terre et l’argile » chez François Breut, voilà que le ver est célébré par un duo alsacien dénommé Outed. Les deux musiciens, Fred Tavernier et Noémie Chevaux, ont carrément baptisé leur nouvel album en son honneur. Leurs explications, quelques semaines avant la soirée de lancement de ce disque, le 11 octobre à Strasbourg avec Cyril Dion et Sébastien Hoog

Pourquoi avez-vous intitulé ce nouvel album « Ver de terre » ?

Fred Tavernier : « On a appelé cet album « Ver de terre » pour deux raisons. La première, c’est que le premier single de l’album s’appelle déjà « Ver de terre ». C’est une chanson qui joue avec le mot « ver » et parle d’écologie et de protection du vivant, deux choses qui font partie de notre quotidien, à Noémie et moi, depuis toujours, depuis qu’on est ensemble. « Ver de terre » parle de la folie des hommes et de notre manière inconsidérée de profiter tout de suite de ce qui nous semble être dû, sans faire attention à rien. Ce titre s’est construit en deux temps. Les couplets sont assez durs, ils brossent le tableau, de manière poétique, de ce qu’il se passe en ce moment. Les refrains sont chantés par les Gospel Kids, pour que la chanson reste porteuse d’espoir. C’est un chœur d’enfants, qui ont entre 7 et 15 ans. Dans Outed, on pointe du doigt des choses qui nous chatouillent ou nous dérangent mais on essaie chaque fois d’essayer d’amener de la lumière et peut-être des solutions. On ne donne pas de leçons mais on partage nos convictions. »

Noémie Chevaux : « L’idée du ver de terre est également importante pour nous parce que ces animaux sont en voie de disparition à cause de la pollution qu’on inflige à nos sols. La population a diminué drastiquement ces dernières années. Ce titre nous permet, quand on parle aux médias, de le leur rappeler. Einstein a parlé de l’importance des abeilles : sans leur pollinisation, nous n’aurions pas de légumes. Mais, sans ver de terre, ce serait carrément de plantes que nous manquerions. Il est ultra-important d’y penser et de faire gaffe quand on jardine. D’un point de vue plus métaphorique, ce titre nous permet, en tant qu’artistes, de creuser des sillons. »

Fred Tavernier : « Il s’agit d’aller au-delà de la surface des choses. »

Noémie Chevaux : « On essaie de permettre aux auditeurs d’aller un petit peu plus loin. »

Votre album précédent, Ondes de gravité, arborait des papillons sur sa couverture. Ca fait longtemps que la question du vivant vous travaille…

Fred Tavernier : « Dès le premier album, Egocentrique ou La matrice du chaos parlaient de ça. Dans Egocentrique, on met en regard l’histoire de l’homme et la disparition des animaux. Sur le deuxième album, plusieurs textes, comme On n’a pas fini ou Ephémère, sont dans le vif du sujet. Nous, on vit à la campagne depuis plus de 30 ans. On a toujours construit notre vie autour de notre environnement, à partir de recyclage, de seconde main, de culture dans le potager… On produit une grosse partie de ce qui nous nourrit, l’été en tout cas. On fait des conserves. On consomme des produits qui ont poussé à proximité. On n’utilise pas d’engrais. On fait attention au rythme des saisons. »

Noémie Chevaux : « Notre jardin est un refuge LPO. »

Fred Tavernier : « On fabrique notre lessive, on fabrique notre shampoing, on fabrique notre dentifrice… On va au bout des choses, parce qu’on estime que la part du colibri est primordiale (même si certains pensent qu’elle n’est pas importante). »

Noémie Chevaux : « C’était l’idée des papillons que vous évoquiez. Je les ai dessinés en pensant à la petite phrase à propos du « battement d’ailes d’un papillon qui peut avoir de grandes répercussions ». Les petits gestes ont leur importance, qu’ils soient négatifs ou positifs. Tout le monde ne peut pas devenir exemplaire du jour au lendemain (nous, on est loin de l’être) mais il faut essayer. »

Musicalement, ce discours circule sur une forme très pop, plutôt joyeuse. Pour vous, la fantaisie est un contrepoids nécessaire ?

Fred Tavernier : « Oui. On est conscient qu’on a aborde des sujets qui ont du sens. On essaie de les écrire de manière poétique… »

Noémie Chevaux : « Popétique ! »

Fred Tavernier : « … pour amener une dimension agréable. La musique doit donner envie d’être écoutée. Elle doit nous plaire et nous permettre d’être entendus, que ce soit au travers d’un album ou sur scène. »

Noémie Chevaux : « Ça permet de faire passer la pilule un peu plus facilement. Dire des choses gratouillantes avec du second degré, avec de l’humour, avec une certaine fantaisie ou avec un côté décalé permet de dédramatiser. »

Fred Tavernier : « Surtout dans un monde où, malheureusement, des positions comme la nôtre sont presque devenues intenables. Etre écolo ou protéger le vivant est devenu un gros mot pour certains. On essaie de partager nos convictions et on espère toucher de cette façon les auditeurs et leur donner des idées. C’est pour ça qu’on a invité Cyril Dion et Sébastien Hoog à nous rejoindre le soir de notre release party. »

Noémie Chevaux : « Ce soir-là, le public aura différents points de vue, différentes façons de parler de notre monde, de partager et de célébrer le vivant. C’est l’idée de base. »

Votre vinyle est entièrement réalisé en matière recyclée. Qu’est-ce que cela veut dire, concrètement ?

Fred Tavernier : « De la galette à la pochette, toutes les matières sont recyclées. Le carton de la pochette est recyclé. Le vinyle est pressé en Allemagne sur une matière 100 % recyclée. C’est malheureusement plus cher, parce qu’il n’y a pas assez de demande. On a fait le choix d’éviter le CD… »

Noémie Chevaux : « … pour lequel il n’y a pas de technologie propre. »

Fred Tavernier : « On publie également notre album sous la forme de sachets qu’on appelle « écolozik » : des sachets en papier recyclés qui contiennent soit des graines de persil, soit des graines de fleur. Sur le sachet, on a fait mettre un QR code qui permet aux gens de télécharger la musique. Alors, bien entendu, les Cassandre pourront dire « Ah, oui, mais le téléchargement, l’internet… ». Oui, désolé, on vit en 2025. On est bien obligé à un moment donné de faire connaître notre musique et de la diffuser. On essaie de produire le moins de déchets possibles mais je crois que le zéro déchet n’est pas atteignable. Voilà les solutions qu’on a trouvées pour distribuer notre musique. »

Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin...
La page Bandcamp d'Outed

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