Patrick Scheyder : « Toutes les générations doivent se mobiliser pour le climat »

Patrick Scheyder ne baisse pas les bras. Même lorsque les nouvelles sont mauvaises (ré-autorisation d’un pesticide néonicotinoïde, fin des zones à faibles émissions…), il continue d’organiser des spectacles musicaux de sensibilisation au changement climatique. Le 7 juin, dans le cadre de la Nuit Blanche, il réunira autour de lui à Paris l’arboriste Thomas Brail, la chanteuse Nach, le rappeur Nelson Depalme, l’acrobate Yannis Gilbert et même le journaliste Denis Cheissoux de France Inter. Discussion avec un optimiste…

La décision de reprendre les travaux de l’A69 a été prise et Thomas Brail a annoncé qu’il ferait une grève de la soif s’ils reprenaient. La situation est grave. Pourtant, Thomas Brail prendra part au spectacle du 7 juin. Est-ce ce qu’il a de plus urgent à faire ?

Patrick Scheyder : « De toute façon, les travaux ne commenceront qu’à partir de la mi-juin. Pour l’instant, il ne se passe rien. Là-bas, Tosca, le concessionnaire, rassemble des équipes. Tu ne recommences pas des travaux pareils d’un claquement de doigts. Entre temps, il y aura un débat à l’Assemblée Nationale. Les députés aussi doivent s’exprimer. Pour l’instant, on est plutôt dans les palabres. On a prévu de faire un « Eloge de la forêt » le 15 juin à Fontainebleau ; c’est là que la question va se poser. »

Cette Nuit Blanche constitue aussi une action militante…

Patrick Scheyder : « Oui. L’art et la culture sont des moyens de se replonger dans le vivant et, en même temps, de prendre de la hauteur par rapport à ses combats. Ce sont aussi des moyens de renouveler ses forces. Si on garde le nez sur l’ouvrage, on se perd ; c’est épuisant et dangereux. Dès le départ de notre collaboration avec Thomas Brail, il a vu nos spectacles comme un contrepoids aux choses plus dures qu’il peut y avoir dans des combats comme celui contre l’A69. Moi, je ne le vis pas de cette manière-là, je ne lutte qu’en art et en culture. »

Il y a aussi à la Nuit Blanche un très jeune artiste, d’à peine 11 ans…

Patrick Scheyder : « 12 ans, maintenant ! Il vient juste de fêter son anniversaire. César RLM est un jeune encore scolarisé, ça fait 3 ans qu’il rappe pour le climat. Il dit qu’au fond, l’avenir, c’est lui. Il n’a pas tort. Il se demande dans quel état on va lui laisser la planète et il n’a pas tort de s’inquiéter non plus. Il écrit lui-même ses textes et il est très doué. Ce qui est intéressant dans cette Nuit Blanche (et c’est encore plus prononcé que dans « Eloge de la forêt »), c’est qu’elle est vraiment intergénérationnelle. J’ai 65 ans ; Thomas en a 51 ; Nach doit en avoir une quarantaine ; Nelson en a 30 ; César en a 12… Toutes les générations doivent se mobiliser pour le climat. C’est aussi un message. On dit souvent que ma génération se fout du climat et que celle de César est trop jeune pour comprendre. En fait, ce sont toutes les générations qui sauveront la planète. L’écologie en chantant, c’est ça aussi. La chanson, c’est populaire. C’est ce qui touche notre cœur, quel que soit notre âge. C’est ce qu’on peut reprendre dans sa salle de bains. C’est extrêmement accessible. »

Le lendemain de cette Nuit Blanche, vous foncez à Montpellier pour discuter avec l’équipe du Shift Project…

Patrick Scheyder : « Je participe à une table ronde, Thomas a une autre. La mienne se demande comment faire « shifter » la France. On va esquisser une définition d’une écologie populaire. C’est un sujet qui m’intéresse beaucoup. Dès qu’on prononce ces mots, on pense à l’écologie pour les banlieues, c’est extrêmement réducteur. Quoique Parisien, j’habite en ce moment un village de 400 habitants qui est « populaire » au même titre qu’une banlieue. Les problèmes sont parfois différents mais pas toujours : l’absence des services publics ou les faibles revenus créent également des difficultés. L’écologie populaire doit s’adresser aussi bien au riche qu’au pauvre. Le peuple, c’est le peuple, ce n’est pas une frange de la population. On doit, dans l’écologie, trouver un langage commun, qui rassemble des gens différents. C’est la promesse de la République et de la démocratie : chaque voix compte. On va parler de ça avec des représentants de Banlieues Climat. Je tiens à dire qu’il faut concevoir une écologie ascendante, qui part de la base pour arriver au plus haut, de façon à contrebalancer l’écologie descendante, celle de ceux qui savent, celle des scientifiques. Dans un arbre, l’hiver, la sève descend et, au printemps, elle remonte. C’est le mouvement de la vie. »

Photo de têtière : François Mauger

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