L’amusant pianocipède de François-René Duchâble

Le Festival des Forêts est de retour, avec ses bains de forêt musicaux et ses concerts dans quelques joyaux du patrimoine de Compiègne et de sa région. Parmi les nouveautés de cette trente-et-unième édition, qui durera du 21 juin au 15 juillet, la déconcertante proposition de François-René Duchâble retient l’attention. Le pianiste classique – concertiste acclamé pendant les années 70, 80 et 90, avant son retrait soudain en 2003 – prendra le 9 juillet la tête d’une randonnée cyclo-musicale au guidon d’un pianocipède. Il nous explique de quoi il s’agit…

Qu’est-ce qu’un pianocipède ?

François-René Duchâble : « C’est un triporteur, sur lequel on peu fixer différents pianos numériques, un peu comme le triporteur qui distribuait le courrier ou les glaces sur la plage… Avec deux papillons, je visse le clavier sur une structure en métal qui passe devant le guidon. C’est un instrument social. Il me permet d’aller vers les gens pour leur jouer de la musique, que ce soit dans un milieu scolaire, hospitalier, carcéral… C’est un instrument qui permet, sans le moindre frais, de jouer partout. Pas besoin d’accordeur, ni de transporteur. Le clavier est un Yamaha bas de gamme, puisque les routes sont chaotiques. L’engin a une forme inspirée de la 2 chevaux ou de la coccinelle. Il y a un ampli et deux haut-parleurs à la place des phares. »

Le 9 juillet, allez-vous vous arrêter en chemin pour jouer ?

François-René Duchâble : « Oui, c’était l’idée de Bruno Ory-Lavollée, de cumuler une randonnée l’après-midi et un concert le soir. On va traverser une partie de la forêt avec des cyclistes. Le comédien Alain Carré sera également à vélo. Sur scène, il pose la roue arrière sur une structure en métal, de façon à pouvoir pédaler sans avancer. J’espère qu’il n’y aura pas de côte parce que mon pianocipède est assez lourd. Il n’a pas de moteur. Une batterie automobile alimente l’amplification et me donne 3 ou 4 heures d’autonomie mais elle n’est pas légère. Le but est de se promener en jouant, même s’il faut, pour cela, limiter le répertoire à des œuvres légères et sautillantes. »

A l’arrivée, au Prieuré de Saint-Pierre-en-Chastres, vous jouerez sur un piano plus classique de nombreux airs de Schubert, mais aussi Le vol du bourdon de Rimsky Korsakov ou Le petit âne gris de Jacques Ibert. Comment avez-vous bâti ce programme ?

François-René Duchâble : « C’est toujours le comédien qui choisit les textes. Je choisis ensuite des œuvres en conséquence. Ce spectacle s’appelle Schubert et la petite reine. C’était une commande d’un festival d’Arras, qui voulait lier le sport et la musique. On l’a joué cinq ou six fois. Le petit âne gris correspond à l’évocation du côté chaotique d’une charrette. Le vol du bourdon symbolise la vitesse, en lien avec la description d’un champion cycliste. Certaines musiques sont superposées sur les textes, d’autres sont juxtaposées, comme souvent : on a monté 118 spectacles différents avec Alain Carré et on a joué plus de 750 fois en 27 ans… »

Peut-on dire que le pianocipède est l’expression du besoin de vivre libre, hors des cadres de la musique classique, que vous affichez depuis maintenant 20 ans ?

François-René Duchâble : « Oui, il y a des points communs avec ce besoin, il y a un reflet mais, lorsque je vais jouer à l’arrivée, ce sera sur un piano de concert normal. Il est évident qu’avec un piano numérique posé sur un vélo, la qualité musicale n’est pas au rendez-vous. C’est surtout pour les animations, les rencontres… Je ressens en effet le besoin de vivre la musique en pleine nature, de me sentir libre, mais il n’y a pas forcément de lien entre ça et mon rejet des salles de concert. Je pourrais très bien me passer du pianocipède : je fais plein d’autres spectacles, sur des radeaux, en pleine montagne, parmi les chevaux, devant des feux d’artifices… Le principal pour moi, c’est de mettre la musique en situation. Avec les textes, on raconte une histoire et on joue dans des lieux décalés. Si on peut lier le vélo avec le spectacle du soir, c’est tant mieux mais ce n’est pas l’essentiel. Je rappelle que ma première retraite a eu lieu en 2003 : j’ai quitté le circuit des salles de concerts. Ma deuxième retraite, en 2018, m’a amené à réduire encore mon calendrier. Je suis passé de 50 à 25 spectacles par an. Désormais, je suis bénévole. Je choisis les endroits où je veux jouer et je n’ai aucune contrainte. »

Photo de têtière : François Mauger
Autres images fournies par le Festival des Forêts
Pour aller plus loin...
Le site web du Festival des Forêts 
La page consacrée au spectacle "Schubert et la petite reine" 
Le site web de François-René Duchâble 
Le site web d'Alain Carré 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *