Quelque chose se prépare dans les forêts de Franche-Comté. Dans le bois d’Ambre précisément, à Saint-Vit, soit à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Besançon. Depuis dix ans, des artistes s’y réunissent un soir de juin pour offrir à une promenade sensorielle à des festivaliers curieux. Cette année, Samantha Maurin, Jeremy Speer, Gilles Malatray, Bernard Fort, 3615 Señor et Timothée Jolly seront au rendez-vous le 28 juin. Les explications du directeur artistique de l’événement, Lionel Viard…
A quoi ressemble le fameux Bois d’Ambre, où a lieu le festival ?
Lionel Viard : « C’est un très joli petit bois vallonné, aux espèces d’arbres relativement diversifiées, avec des feuillus et des résineux. Il n’est pas spécifiquement dédié à la sylviculture mais on reste tout de même assez loin de la nature sauvage, avec beaucoup de parcelles d’affouage. Back to the Trees en investit une étendue tout à fait raisonnable, suffisamment grande pour marcher un peu et découvrir des paysages diversifiés, mais sans pour autant confiner à la randonnée sportive. »

De nombreux artistes y présentent leur travail le même soir, entre 17h et 1 heure du matin. Comment cohabitent-ils ?
Lionel Viard : « S’il fallait décrire Back to the Trees sous un angle pragmatique, j’utiliserais les références de l’exposition collective et du festival d’arts de rue : l’événement est un peu à la jonction de ces deux approches, en proposant par exemple des sculptures ou des peintures installées de manière « permanente », des concerts à horaires et emplacements déterminés ou encore des spectacles en déambulation. La cohabitation se passe parfaitement bien, d’autant qu’on organise depuis quelques années un repérage collectif : les artistes passent un après-midi et une soirée à se découvrir le bois ensemble, certains artistes prolongeant même l’expérience toute la nuit. Je distribue une carte à chacun pour qu’il ou elle indique ses espaces préférés et ça fonctionne toujours miraculeusement bien : les artistes discutent entre eux et s’aperçoivent qu’en se décalant d’un quart d’heure ou de 10 mètres, leurs propositions sont tout-à-fait compatibles. Ils sont même généralement ravis d’avoir des voisins intéressants ! »
A côté des « arts visuels » et des « arts du spectacles », vous programmez des représentants des « arts sonores ». Selon quels critères les choisissez-vous ?
Lionel Viard : « Cette année, le festival a ouvert une nouvelle catégorie, qui s’appelle les « arts des mots » et je me suis donc retrouvé avec une quasi-totalité de catégories dont le nom commence par « arts » (arts du spectacle, arts visuels, arts des mots). Par souci de cohérence, j’ai donc enlevé le mot « musique » de la catégorie initialement intitulée « musique et arts sonores », tout en gardant bien sûr des propositions artistiques de ces deux domaines au final pas si éloignés l’un de l’autre. Par le passé, on a par exemple tout autant accueilli un concert de violon baroque d’Alice Julien-Laferrière, interprétant des pièces anciennes traitant des oiseaux, que des compositions audionaturalistes, par exemple de Félix Blume ou de Marc Namblard. Mais l’expression « arts sonores » ouvre finalement un champ plus large, vu qu’il nous arrive régulièrement d’accueillir des propositions sonores qui ne sont pas à proprement parler musicales, par exemple les dispositifs des hauts-parleurs extrêmement directionnels de Pierre-Laurent Cassière, qui créent des perturbations sonores fantomatiques, les documentaires artistiques de Bernard Fort sur des ornithologues ou encore les parcours audio-sensibles de Désartsonnants, qui ne produisent pas de sons mais guident l’écoute. »
Il y a tout de même un point commun à toutes ces propositions : le rapport au vivant…
Lionel Viard : « Oui !! J’essaie d’éviter le mot « thématique » parce que, je ne sais pas pourquoi, j’ai fini par le trouver trop académique, mais tous les artistes invités tournent autour de l’idée de dire quelque chose ou d’apporter une réflexion sur cette question de nos rapports avec les vivants – animaux et plantes. Je n’invite quasiment que des artistes qui s’inscrivent dans cette démarche, cela crée donc des points communs. »
Peut-on dire de votre événement qu’il est écologique ?
Lionel Viard : « Non, malheureusement. On en parlait en plaisantant avec des amis : dès qu’on organise quelque chose, ça a un impact environnemental. Evidemment, dans notre cas, avec 80 artistes et 1500 spectateurs, l’impact est relativement minime, mais dès qu’on invite un certain nombre de personnes à se réunir quelque part, ça crée nécessairement des déplacements et occasionne la centralisation de déchets… J’aimerais penser que Back to the Trees s’inscrit, parmi beaucoup d’autres initiatives, dans une forme de sensibilisation au rapport au vivant mais il faut reconnaître qu’une grande proportion de nos festivaliers sont déjà très sensibles à ce type de questions. »
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web de Back To The Trees