[Université Paris 8] We Love Green : la quête de l’empreinte carbone 0

En 2025, l'équipe de 4'33 Magazine a collaboré avec des étudiantes et des étudiants de l'Université Paris VIII, dans le cadre du cours de Makis Solomos sur la dimension écologique de certaines pratiques musicales. Plusieurs étudiantes et étudiants ont souhaité écrire un article. Nous publions ici celui d'Elina Dos Santos et Noa Wizman.

Le week-end du 6 juin a marqué la 15ᵉ édition du festival de musique We Love Green, un événement incontournable pour les amateurs de musique électro-pop, qui se tient chaque année depuis 2010 au cœur du bois de Vincennes. Le festival s’organise autour d’une mission : concilier culture et écologie en organisant un événement de grande ampleur tout en minimisant son impact environnemental. Pour cela, de nombreuses initiatives éco-responsables sont mises en place. Mais sont-elles assez efficaces ?

Les festivals de musique sont des éléments-clés de la culture et attisent l’intérêt de centaines de milliers de personnes chaque année. La notoriété de ces évènements engendre des répercussions écologiques, notamment une empreinte carbone très élevée, qui contribue à l’indifférence portée à l’urgence écologique nationale et mondiale. Cette empreinte est le résultat de la combinaison de cinq principales sources polluantes des festivals (citées du plus au moins polluant) :
1. Le transport des festivaliers, comptant ceux qui se déplacent en avion ou en voiture ;
2. La consommation d’énergie incluant les systèmes de lumières et sons pour les scènes, ainsi que pour les stands ;
3. Les déchets qui peuvent se compter en tonnes ;
4. La nourriture qui est souvent industrielle et carnée, et qui inclut également les emballages et le transport ;
5. L’impact sur la biodiversité.

Pour remédier aux dégâts environnementaux provoqués par un festival, les organisateurs de We Love Green ont mis en place une charte où les visiteurs du site s’engagent à respecter les lieux ainsi que la planète en utilisant les mobilités douces, en ne jetant rien par terre, parmi d’autres mesures. Quant à l’organisation du festival, ils ont adopté plusieurs mesures. On retrouve par exemple une brigade verte qui ramasse les déchets du site et veille à la sûreté des festivaliers, on a de nombreuses d’options végétarienne et végan dans les stands de nourriture, et sur les scènes des ampoules à basse consommation… Des innovations sont même observables, comme des toilettes sèches dont l’urine est utilisée en tant qu’engrais.

On peut observer l’efficacité de ces mesures sur plusieurs niveaux :
1. Une réduction tangible de l’empreinte carbone. Depuis sa création, le festival We Love Green s’est positionné comme un laboratoire d’expérimentation en matière d’écoresponsabilité. L’édition 2023 a marqué une avancée significative dans cette démarche, avec une réduction notable de son empreinte carbone.
2. Une baisse significative des émissions de CO₂. Le bilan carbone 2023 du festival s’élève à 1 024 tonnes équivalent CO₂, contre 1 537 tonnes en 2022, soit une diminution de 33 %. Cela représente une moyenne de 10 kg CO₂ par festivalier, contre 14,6 kg l’année précédente. Cette réduction est en grande partie attribuable à l’adoption d’une offre de restauration 100 % végétarienne, qui a permis de diviser par plus de six l’empreinte carbone liée à l’alimentation
3. Le transport : principal poste d’émissions. Malgré ces progrès, le transport demeure le principal poste d’émissions, représentant 576,2 tonnes CO₂, soit 55,7 % du total. Bien que seulement 0,6 % des festivaliers soient venus en avion, ce mode de transport a généré 21 % des émissions liées aux déplacements. À l’inverse, 67 % des festivaliers ayant utilisé les transports en commun n’ont contribué qu’à 4,3 % des émissions. Pour encourager des modes de transport plus durables, le festival a mis en place une carte de mobilité durable en partenariat avec Tribulive, incitant au covoiturage et à l’utilisation des transports en commun.
4. Une démarche collaborative et transparente. We Love Green collabore avec l’ONG A Greener Future pour réaliser son bilan carbone, impliquant toutes les parties prenantes : artistes, prestataires, bénévoles et festivaliers. Cette approche participative permet de collecter des données précises et de sensibiliser chacun à son impact environnemental.
5. Des résultats encourageants mais des défis persistants. Les efforts du festival ont porté leurs fruits, mais des défis subsistent, notamment en ce qui concerne les déplacements des artistes internationaux, souvent responsables d’émissions élevées en raison des transports aériens. Des initiatives telles que la coordination des tournées avec d’autres festivals européens sont envisagées pour optimiser les déplacements et réduire l’empreinte carbone.

Quelques retours

Plusieurs artistes, organisateurs et festivaliers ont partagé leurs impressions sur l’engagement écologique du festival We Love Green. Voici quelques témoignages…

1. Témoignages d’artistes et d’intervenants engagés :

– Pomme, chanteuse et compositrice, a exprimé son engagement écologique lors de sa participation au festival. Elle a expliqué que l’écologie fait partie intégrante de son éducation et de sa musique. Pour sa tournée, elle a collaboré avec le mouvement citoyen On est Prêt pour sensibiliser le public au déclin de la biodiversité, organisant des actions telles que des ramassages de déchets dans plusieurs villes.

– Camille Étienne, militante écologiste, a souligné l’importance de l’art pour sensibiliser à l’urgence climatique. Elle a déclaré que l’art permet de toucher profondément les gens, au-delà des informations factuelles, et peut ainsi jouer un rôle crucial dans la prise de conscience écologique.

– Marie Sabot, cofondatrice et directrice du festival, a partagé les efforts du festival pour réduire son empreinte carbone. Elle a mentionné la collaboration avec d’autres festivals européens pour optimiser les tournées des artistes, évitant ainsi des déplacements inutiles et réduisant les émissions liées au transport.

2. Retours de festivaliers :

– Anna-Lena et Jennifer, 30 ans, venues de Paris, ont apprécié la sensibilisation à l’écologie lors du festival. Elles ont déclaré : « On doit vraiment faire attention à cela. Je préfère payer un billet pour un festival qui défend une cause ».

– Garrence et Florian, respectivement 22 et 28 ans, ont souligné l’importance du zéro déchet et de la sensibilisation environnementale. Ils ont mentionné : « Le côté vert, ça nous parle : on s’est mis au 0 déchet ».

– César, 26 ans, employé en marketing, a exprimé des doutes sur la capacité d’un festival à être véritablement écoresponsable, tout en reconnaissant l’importance du sujet. Il a déclaré : « Je bosse beaucoup autour de la responsabilité sociétale des entreprises, ce sujet me touche, mais je ne vois pas comment un festival peut être éco-responsable ».

Source : https://jobetudiant.net/blog/love-green-portraits-festivaliers?

Ces témoignages illustrent la diversité des perceptions concernant l’engagement écologique de We Love Green. Tandis que certains artistes et festivaliers saluent les initiatives mises en place, d’autres expriment des réserves ou des interrogations sur l’efficacité réelle de ces mesures. Néanmoins, le festival semble réussir à susciter des discussions et à sensibiliser son public.

Vers la transition écologique ?

À travers ses multiples initiatives, We Love Green s’impose comme un modèle de festival engagé dans la transition écologique. En intégrant des dispositifs concrets tels que la restauration végétarienne, les toilettes sèches, les sources d’énergie alternatives ou encore le tri des déchets et la mobilité douce, le festival ne se contente pas d’afficher une posture symbolique : il agit. Les chiffres du bilan carbone 2023 en témoignent, avec une réduction de 33 % des émissions par rapport à l’année précédente. Cependant, malgré des efforts notables et une transparence exemplaire, le chemin vers un festival véritablement neutre en carbone reste semé d’embûches. Le transport, notamment des artistes internationaux, demeure un talon d’Achille difficile à compenser. Cela souligne une tension permanente entre l’aspiration à un évènement culturel accessible et l’urgence écologique. Les témoignages recueillis révèlent une conscience collective croissante, mais aussi des questionnements sincères sur les limites de l’écoresponsabilité dans un cadre aussi festif et massif. We Love Green ne prétend pas être parfait, mais il a le mérite d’expérimenter, d’alerter et d’impliquer toutes les parties prenantes, des organisateurs aux spectateurs. En cela, il illustre un futur possible pour les festivals de demain : plus responsables, plus réfléchis, et profondément ancrés dans les enjeux de notre époque.

Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web du département musique de l'université
Le bilan carbone 2023 du festival

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