Dirty Projectors publie son « Chant de la Terre »

Il y a du Mahler là-dedans, bien sûr. Le titre de l’album, Song of the Earth, le dit clairement, en se contentant d’angliciser le Lied von der Erde (« chant de la Terre ») du compositeur autrichien. Mais on trouve également dans le nouveau disque des Dirty Projectors de la pop (des Beach Boys à Robert Wyatt), de la musique classique du vingtième siècle (Messiaen, encore et toujours), du rock (le chanteur de Mount Eerie est de la partie), de la musique brésilienne (Tim Bernades aussi)… Exploration d’un album touffu !

Apparus à Brooklyn en 2002, les Dirty Projectors sont avant-tout le groupe du chanteur David Longstreth. Il est le seul membre restant de la formation originelle, celle qui s’est fait connaître avec Bitte Orca (2009) et Swing Lo Magellan (2012). En 2020, alors que des incendies ravageaient la Californie et que l’épidémie de Covid déboussolait l’humanité, il a été contacté par un orchestre berlinois, Stargaze, spécialisé dans les collaborations avec des artistes issus de la pop (les Villagers, These New Puritans…). A la même période, David Longstreth devenait père pour la première fois.

Les ruminations du chanteur et compositeur sur la fin d’un monde ont d’abord débouché, en 2020, sur un court disque intitulé Earth Crisis. On y entendait déjà des échos du poème symphonique de Mahler, mais aussi des idées captées chez le rappeur J Dilla ou chez Igor Stravinsky. Encyclopedia Pictura, un studio d’animation basé à Los Angeles et inspiré par l’écologie sociale, l’avait illustré avec un court-métrage épatant.

Ce printemps, après quatre années de travail, sort un projet bien plus ambitieux. Song of the Earth est interprété par Stargaze, dirigé par André de Ridder, avec la participation des membres actuels de Dirty Projector (Felicia Douglass, Maia Friedman, Olga Bell…) mais aussi du bassiste Steve Lacy, de la chanteuse Anastasia Coope… David Longstreth s’inspire de Mahler, comme l’ont fait récemment le pianiste Duval Timothy ou le flûtiste Jocelyn Mienniel. Cela s’entend par exemple dès les premières secondes de Bank on, avec ses effets féeriques distinctifs. Mais l’âme des Dirty Projectors reste fidèle à sa signature habituelle, faite de rythmes complexes, de mosaïques vocales et de tonalités ambiguës, à la fois doucereuses et acides. Instrumentation et atmosphères ne cessent de varier tout au long des 24 titres. Les cordes prudentes et les murmures extatiques du début de l’album (Summer light) cèdent vite le terrain à une orgie de notes, à une frénésie de mélodies. Libération et Les Inrockuptibles adorent.

Les paroles sont au diapason. Elles glissent d’un simple « I want that » martelé (Same river twice) à un long développement sur la réalité du changement climatique (Uninhabitable Earth, Paragraph One). La versatilité de ce répertoire, qui a d’abord été conçu pour la scène, ne plaira pas à tous les auditeurs mais c’est probablement la rançon de l’ambition…

Photo de couverture : François Mauger

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