Connaissez-vous le paradoxe de Giddens ? Le sociologue britannique Anthony Giddens, également conseiller politique (notamment de Tony Blair et Bill Clinton), s’est intéressé à la crise environnementale. Il en déduit que, puisque que « les dangers posés par le changement climatique ne sont pas tangibles, immédiats et visibles au quotidien », la plupart des humains n’y réagissent pas mais qu’en restant sans réaction, ils rendent ces dangers plus grands.
Ce paradoxe est l’une des sources de réflexion du professeur Thorsten Philipp, qui publie dans l’IASPM Journal, la revue de « l’International Association for the Study of Popular Music », un article intitulé « Musicking Green Alarm, Prophecies of environmental catastrophism in pop and rock music ».
Le chercheur identifie plusieurs types de réactions aux menaces que la crise environnementale fait peser sur l’humanité. La première est l’inquiétude et l’indignation. Il prend en exemple les chansons de différents groupes de métal : Gojira, Warrant, Nevermore… Mais Thorsten Philipp pointe également d’autres réactions, comme l’indifférence. Il cite à ce propos le tube de Righeira, Vamos a la playa, qui aborde de façon ensoleillée et insouciante la question de la bombe nucléaire. Autre incarnation de l’indifférence, voire de l’acceptation : le très frivole 4 minutes de Madonna (avec Justin Timberlake et Timbaland), qui est rythmé par les mots « We’ve only got 4 minutes to save the world » (« Nous n’avons que 4 minutes pour sauver le monde ») et par un « tick tock » apocalyptique mais n’est au fond qu’un appel à la danse.
Bien sûr, Thorsten Philipp recense également des réponses plus positives aux mauvaises nouvelles que délivre régulièrement le GIEC. Il évoque notamment Alarm call de Björk, qui chante « You can’t say no to hope / You can’t say no to happiness, ooh / It doesn’t scare me at all » (« Vous ne pas dire « non » à l’espoir / Vous ne pouvez pas dire « non » au bonheur / Cela ne me fait pas peur »).

« Contrairement à d’autres formes de communication politique, […] la musique pop pourrait offrir un potentiel de résolution des problèmes environnementaux, car elle n’offre pas d’informations, mais une expérience émotionnelle et fournit ainsi un espace d’apprentissage incarné pour aborder conjointement le corps et l’esprit en vue d’une production durable de connaissances » écrit Thorsten Philipp dans cet article. Il tempère cependant immédiatement cet optimisme en évoquant la notion de « fatigue apocalyptique » élaborée par Ted Nordhaus et Michael Shellenberger : si la catastrophe environnementale prédite ne se produit pas rapidement, ses prophètes risquent de perdre leur crédibilité. Entre le pouvoir de la musique pop et l’épuisement des forces des danseurs, le professeur de la Technische Universität Berlin ne tranche pas tout à fait, concluant tout de même que « les récits musicaux apocalyptiques et leurs perspectives sous-jacentes d’espoir » pourraient bien « stabiliser le système, au lieu de le déconstruire ».
Photo de têtière : François Mauger
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Lire l'article de Thorsten Philipp