Renée Fleming reçoit un Grammy Award pour un disque qui évoque l’anthropocène

Le mot « wokisme » n’était pas encore apparu dans ces colonnes ; c’est Le Figaro qui l’y installe. Le quotidien a appris le résultat de la 65e cérémonie des Grammy Awards avec consternation. Il se désole, du côté de la musique classique, que les « grandes œuvres du répertoire » ou les « compositeurs illustres » soient cette année absents du palmarès. Elles y ont été remplacées par une nouvelle génération d’artistes, incarnée par le chef d’orchestre québécois Yannick Nézet-Séguin, les compositrices Florence Price, Jessie Montgomery, Valerie Coleman et Caroline Shaw ou le jazzman Terence Blanchard, récompensé pour son opéra Fire Shut Up in My Bones. Des femmes et des afro-américains ? Pour le journal, tout cela « montre comment l’idéologie donne aujourd’hui le « La » outre-Atlantique ».

La soprano Renée Fleming a elle aussi reçu un Grammy, le cinquième de sa longue carrière mais le premier depuis près de dix ans. Le Figaro, qui l’a pourtant souvent encensée, y voit une nouvelle preuve du règne du politiquement correct, puisque son dernier album évoque dans son titre le changement climatique. Paru en février 2022, le disque est en effet intitulé Voice of Nature: The Anthropocene. Il s’agit d’un recueil de mélodies pour lequel la soprano se fait accompagner au piano par Yannick Nézet-Séguin. Au programme : principalement des compositions de Liszt, Fauré, Hahn et Grieg. Ces grands classiques, tels que L’heure exquise, n’ont qu’un lointain rapport à la nature, c’est principalement dans les trois nouvelles compositions qui ponctuent le disque que le propos se précise un peu.

Kevin Puts a écrit pour la soprano Evening, Nico Muhly Endless space et Caroline Shaw Aurora borealis. Ces « trois amples mélodies américaines » sont, selon le site Forum Opera, « autant de réussites ». « Endless Space, s’étire sur plus de huit minutes, mais l’attention ne faiblit jamais. S’étant libéré de l’influence de Philip Glass pour trouver son langage personnel, Nico Muhly nous offre une pièce dépouillée, d’une grande poésie, qui permet à la voix de se déployer avec des séductions qui ne sont pas sans rappeler celles d’Elisabeth Schwarzkopf, mentor de notre diva. La magie d’un accompagnement minimaliste et d’une voix éthérée de Aurora Borealis joue pleinement : l’œuvre s’écoute avec bonheur » commente le journaliste Yvan Beuvard. Steeve Boscardin, qui écrit dans Res Musica, est tout aussi enthousiaste à propos d’Endless Space : « De longues phrases ondulantes, des tonalités parfois jazzy et une certaine épure nous permettent ici de savourer les moirures de ce timbre unique tout au long de cette partition de huit minutes que l’on ne voit pas passer. »

Les membres du jury des Grammy Awards auraient-il dû écarter d’office le disque de Renée Fleming, parce que son titre a une connotation écologique ? Les chanteuses et chanteurs doivent-ils renoncer à toute prise de position pour échapper à l’accusation de « wokisme » ? Le débat ne fait que commencer…

Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web de renée Fleming
L'article du Figaro
L'article de Forum Opéra
L'article de Res Musica

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *