[Université Paris 8] A écouter : « Le Carnaval des Animaux » de Camille Saint-Saëns

En 2025, l'équipe de 4'33 Magazine a collaboré avec des étudiantes et des étudiants de l'Université Paris VIII, dans le cadre du cours de Makis Solomos sur la dimension écologique de certaines pratiques musicales. Plusieurs étudiantes et étudiants ont souhaité écrire un article. Nous publions ici celui d'Alex Soares.

La célèbre suite du compositeur français, sans pour autant se réclamer d’une quelconque cause écologique lors de sa création, ce qui aurait été étonnant à la fin du XIXème siècle, constitue aujourd’hui une œuvre pouvant être considérée comme pionnière au sein de la communauté écologiste.

L’œuvre fut composée en l’espace de quelques jours au mois de février 1886, lors d’un séjour du compositeur près de Vienne. À l’origine, Camille Saint-Saëns a simplement l’idée d’imiter en musique, et avec un réalisme saisissant, les sons produits par divers animaux de tous horizons géographiques, sous la forme de quatorze mouvements. C’est pour lui plus une tentative d’amuser la galerie qu’une réelle composition sérieuse. Il n’en fera d’ailleurs que de très rares représentations, quasiment toujours privées, et en censurera même par la suite toute autre représentation extérieure, exceptée celle du Cygne.

Cette suite a sans doute pu être réalisée en partie grâce aux divers voyages qu’a effectué le compositeur à travers l’Europe et le reste du monde, lui laissant l’occasion de voir une faune variée. Son engouement pour la théorie évolutionniste de Charles Darwin émergeant à la même époque n’y est sans doute pas étranger non plus. C’est même cette théorie qui le pousse à s’intéresser de plus près au monde animal et à la nature plus généralement, jusqu’à en faire le sujet de quelques-unes de ses compositions, comme celle mise en avant dans cet article ou bien encore Le Déluge, composé dix ans plus tôt.

Ce qui frappe le plus à l’écoute des courts portraits musicaux du Carnaval des animaux, c’est sa capacité à évoquer à l’auditeur des images des animaux cités, des images non pas figées mais en mouvement, et cela sans tomber dans la caricature. L’imitation n’est certes pas d’une exactitude absolue (auquel cas la notion de musique pourrait être remise en cause) mais Saint-Saëns pousse à l’extrême le concept d’imitation en musique. D’une certaine manière, faute de moyens d’enregistrement à cette époque, ne pourrait-on pas se demander s’il s’agirait là d’une tentative avant l’heure de field recording (enregistrement de terrain) au moyen d’une partition ? Ce n’est bien sûr pas aussi exhaustif qu’un enregistrement de terrain peut l’être. Il est évident que la vision artistique prime ici sur l’exhaustivité. Mais l’idée de vouloir représenter une mosaïque d’animaux de manière pourtant si réaliste mérite la comparaison avec les artistes de field recording de notre temps, qui mettent si bien en valeur les sons de la nature. Plus qu’en éducation musicale dans les conservatoires, c’est aussi en cela que son Carnaval représenterait une œuvre pionnière.

Certes, Camille Saint-Saëns n’avait a priori aucune conscience écologique et pourtant sa suite en constitue aujourd’hui une source. Citons pour cela l’ouvrage Le Carnaval des Animaux de Pépito Matéo paru en 2011 qui, sous la forme d’un livre-disque reprenant la suite du compositeur, ne sensibilise plus seulement à la musique classique mais également à l’écologie à travers sa narration. Pour aller plus loin, Guillaume Connesson compose en 1998 Jurassic Trip, une œuvre faisant écho au Carnaval, où il imagine en musique des sons produits cette fois par des animaux d’une époque beaucoup plus lointaine, dont des dinosaures. C’est bien là une preuve de l’influence toujours importante de Camille Saint-Saëns.

Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web du département musique de l'université

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