Mardi 13 mai, 11 heures, à Creil, au sud de l’Oise… Le hall de la salle de spectacles locale semble avoir été converti en magasin de vélos. La Faïencerie, ce grand espace culturel doté d’une médiathèque et de salles de répétitions, accueille ce matin une vingtaine de musiciens venus en train de Paris. Mais au lieu de s’affairer autour de partitions, ils règlent des selles et apprennent à changer de vitesse. Après deux échauffements, à Paris et à Saint-Denis, Creil est en effet le véritable point de départ du Paris-Roubaix des Forces Majeures, un orchestre symphonique qui s’est fait une spécialité des odyssées en vélo.
Pourquoi Paris-Roubaix ? « Parce qu’on voulait faire un clin d’œil à la course cycliste, » répond Robin Ducancel, le directeur général de l’ensemble, « mais aussi par envie de traverser les Hauts-de-France, une région que j’aime beaucoup, dans laquelle j’ai beaucoup travaillé par le passé. C’est une région que je sens hyper-dynamique. On y avait un certain nombre de réseaux et de partenaires potentiellement intéressés à qui parler et, pour un projet de ce genre, il en faut un certain nombre pour se lancer. Une fois qu’on dit « go », il faut faire le parcours. Il faut donc trouver une escale chaque jour, à une quarantaine de kilomètres de la précédente. Au final, on a des partenaires hyper-différents sur le parcours. Le théâtre impérial de Compiègne n’a pas grand-chose à voir avec « Fiesta », l’édition 2025 de Lille 3000. Le secret de ce genre de projet, s’est de se connecter à d’autres événements, d’autres fêtes, d’autres temps forts. »










Robin Ducancel est la cheville ouvrière de ces quatre semaines d’itinérance. Voilà près deux ans qu’ils les prépare, en gardant un œil sur la carte et l’autre sur les scènes locales, divisées entre grands théâtres, qui choisissent leur programmation plus d’un an à l’avance, et salles municipales, où les décisions peuvent être prises quelques mois avant l’événement. Cette grande anticipation a également permis de monter un partenariat avec Parco, une jeune entreprise du territoire de Belfort qui met des vélos neufs à la disposition des musiciens.
« Sur le déroulement global de la tournée, on a peu de doutes ou d’inquiétudes. On est rodé maintenant. Voilà bientôt 5 ans qu’on se lance dans ce genre d’aventures. Chacun a un rôle bien défini et, même si l’orchestre varie d’une tournée à l’autre, il y a désormais un noyau dur qui a de l’expérience. Tout ça tourne bien, maintenant » constate le directeur général, avant de tempérer : « Mes inquiétudes sont plutôt de l’ordre du financement de la tournée. Elle coûte globalement 200 000 euros aux Forces Majeures, sans prendre en compte les frais à la charge des structures qui nous accueillent. C’est un pari risqué. On a des réponses très tardives, comme tous les autres acteurs du secteur. Il y a 10 jours, on a reçu une réponse négative du Centre National de la Musique : visiblement, on n’entre plus dans les critères dans lesquels on rentrait jusqu’alors. On espérait 20 000 euros. Ça ne nous empêchera pas de nous lancer dans la tournée. On attend aussi une réponse de la région Hauts-de-France, qui arrivera en plein milieu de la tournée. C’est ça qui m’inquiète, moi, aujourd’hui. »
Nicolas Jacobée, qui est contrebassiste, n’a pas les mêmes appréhensions. Il vient tout juste de rejoindre les Forces Majeures et est un peu intimidé par la remorque qu’il va devoir tracter pour transporter son instrument. « Je me demandais comment manœuvrer cet engin et comment l’instrument serait protégé des chocs, de la pluie et de la chaleur. Mais ça a l’air d’être vraiment bien étudié. Je pense qu’ils ont déjà fait des expériences très poussées ces dernières années. Je fais régulièrement du vélo, déjà, et de la course à pied, je pense arriver à suivre sans problème. C’est surtout musicalement que je me suis préparé. Il faut être assez ouvert, assez souple, parce qu’on va jouer dans des situations très différentes. Il est donc important de bien avoir la musique en tête et de pouvoir réagir très vite, quoi qu’il se passe. »
Lola, qui est chargée de la logistique, se déclare sans appréhension au moment où elle essaie son nouveau vélo. « C’est ma quatrième tournée de ce genre » reconnaît-elle, confiante. Le mot de la fin lui revient : « Ça va être chouette ! »
Photos : François Mauger
Pour aller plus loin...
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