Les chansons de L’homme-héron

Puisque, dans le domaine du spectacle, il y a des trophées pour tout, il faudrait en décerner un au détenteur du nom de scène le plus énigmatique. Stéphane Barrière aurait ses chances : ce natif de Nice, lauréat 2016 du Prix « Centre des écritures de la Chanson-Voix du Sud », a choisi de se présenter sous le pseudonyme de « L’homme-héron ». Au moment où il publie son premier album, il a bien fallu lui demander pourquoi…

Pourquoi avez-vous choisi de vous faire appeler « L’homme héron » ?

Stéphane Barrière : « Le nom s’est un peu imposé à moi. J’ai toujours chanté et écrit des textes, des textes en dehors des chansons ou des textes sur des musiques. Il y avait un texte qui s’appelait L’homme-héron, qui racontait que j’étais un homme oiseau. Les gens, à la sortie du concert, m’appelaient toujours « L’homme-héron ». On s’est dit que c’était peut-être le nom de scène le plus simple… »

Finalement, cette chanson a-t-elle été enregistrée ?

Stéphane Barrière : « Non, elle n’a pas été enregistrée. Il faudrait songer à le faire. Mais le texte a évolué au fil des ans. Il y a une nouvelle version. L’homme-héron fait partie des chansons qui sont un peu moins fixes, un peu moins gravées dans le marbre, que les autres, celles dont on a décidé qu’elles avaient trouvé leur forme définitive. On se laisse la porte ouverte à de nouvelles évolutions en fonction des époques qu’on traverse et des choses qu’on a à raconter. »

Vous avez également prolongé la métaphore animale en intitulant votre album Drôles d’espèces…

Stéphane Barrière : « Oui, c’est pareil : c’est parti d’une chanson que j’ai écrite mais qui n’est pas dans l’album. Elle raconte une naissance, de manière un peu métaphorique : une arrivée au monde et la confrontation à ce monde qui n’est pas toujours très accueillant. Drôles d’espèces est parti de là. On est souvent face à des questionnements, qui naissent de nos existences et de nos façons de vivre les uns avec les autres. »

Il y a donc des chansons qui ne sont pas sur l’album mais il en compte tout de même 10. Parmi elles, deux abordent la question écologique, plus ou moins directement…

Stéphane Barrière : « Tout à fait. Vous avez Petite fille qui danse, qui est une espèce de constat un peu froid, un peu catégorique, des excès humains qui engendrent ou en tout cas contribuent à accentuer le dérèglement climatique. Désormais, on appelle notre ère « l’anthropocène ». Les scientifiques nous expliquent que l’activité humaine crée une nouvelle ère planétaire, ce qui ne s’était jamais produit dans l’histoire. Forcément, ce dérèglement climatique est lié à d’autres dérèglements, comme la toute puissance du pouvoir financier sur la planète. Les deux se rejoignent dans la chanson, qui est un peu cinglante. »

Il y a aussi Passent les heures

Stéphane Barrière : « Oui, cette chanson est plus métaphorique mais elle s’éclaircit à la fin. Passent les heures parle de ces personnes qui sont contraintes de quitter leur territoire. La plupart du temps, ce n’est pas pour le plaisir. C’est parce qu’effectivement, l’eau monte et ils ne peuvent plus habiter là où ils vivaient. Ou alors parce qu’il y a des conflits ou des dangers politiques, parce qu’ils ne sont pas du bord qui contrôle leur pays. Ces gens-là sont obligés de migrer, pour des raisons écologiques ou sociétales. C’est une réalité. Souvent, malheureusement, dans nos pays dits « civilisés », on les laisse périr en mer. Ça m’interroge énormément sur l’avancée de notre civilisation. Je me demande comment une chose pareille est encore possible à notre époque. Mais, bon, politiquement parlant, beaucoup de monde décide de repartir en arrière ces derniers temps. En tout cas, c’est une question que j’avais envie de poser par le vecteur de la musique ou de la poésie… »

Pourquoi écrivez-vous des chansons sur ce genre de sujets, finalement ? Est-ce pour vous, pour mettre vos idées au clair ? Ou pour les autres, pour les sensibiliser ?

Stéphane Barrière : « Il y a un peu des deux. J’ai commencé à écrire mes propres chansons tard. J’ai un parcours un peu hybride, comme mon personnage d’homme-oiseau finalement. J’ai fait du théâtre, des spectacles musicaux… La musique, le chant, la chanson ont été présents très tôt. Mais, mes propres chansons, ça ne fait pas si longtemps que je m’y consacre. C’est mon rapport au monde qui fait que j’ai envie, besoin, de parler de ces choses-là. J’ai envie de questionner et d’échanger. L’idée, forcément, c’est d’écrire pour les autres, pour que cette poésie-là parvienne aux gens, qu’on n’en reste pas toujours à une formulation simple, prosaïque. C’est ma façon d’être, ma façon d’écrire. Je veux partager mes mots et, forcément, certains questionnements sur le fonctionnement du monde… »

Photo de têtière : Petr Ganaj (via Pixabay)
Pour aller plus loin...
Le site web de l'homme-héron

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