Matthew Halsall : « Je ressens le besoin de me reconnecter au monde naturel »

Le neuvième album du trompettiste Matthew Halsall a tout d’une bulle de savon : une euphorisante légèreté, une réelle capacité à faire rêver, une brillance de tous les instants… La seule vraie différence avec une bulle de savon est que ce disque n’éclate jamais, qu’il résiste à chaque nouvelle écoute et délivre même de nouveaux secrets. Le musicien de Manchester, également gérant du label Gondwana Records (Portico Quartet, GoGo Penguin…), a multiplié les couches sonores, superposant mille minuscules percussions carillonnantes, un bataillon d’instruments exotiques (marimba, sanza, glockenspiel…) et le son nostalgique de sa trompette. Si l’auditeur ne se noie jamais dans cette avalanche de douceur, c’est que le projet d’Halsall est plus ambitieux qu’il n’y paraît, plus profond, plus spirituel. Il l’explique…

L’album s’ouvre sur une pièce intitulée Tracing Nature. Etait-ce votre programme : peindre la nature avec des sons ?

Matthew Halsall : « Oui, quand j’ai commencé à réfléchir à la manière dont je voulais aborder la réalisation de mon nouvel album, j’ai ressenti le besoin de m’échapper de la ville. J’ai donc recherché de nombreux lieux avec une architecture et un design d’intérieur inspirants, entourés par la nature, avec de belles vues sur les montagnes, les arbres et la mer. Dans chaque endroit, je plaçais souvent des microphones devant les fenêtres et écoutais le chant des oiseaux et les sons de la nature tout en composant. C’est ce qui m’a inspiré pour les morceaux Tracing Nature et Field of Vision. Je me souviens avoir passé un agréable moment à improviser au piano tout en écoutant ces merveilleux sons ambiants. »

Où, en particulier, êtes-vous allé puiser des idées ?

Matthew Halsall : « De nombreux titres sont liés à des lieux, à ce que j’y ai vu et vécu. Par exemple, j’ai composé le premier single, Water Street, dans une maison d’architecte à Penmaenmawr, au Pays de Galles, avec une vue imprenable sur la mer. « Water Street » est le nom de la rue dans laquelle se trouvait la maison. J’ai également composé le morceau Jewels à cet endroit et j’ai beaucoup réfléchi à la magie des reflets du soleil sur l’eau et aux nombreux objets merveilleux que les vagues de la mer apportent sur la plage, comme des galets lisses et divers types de coquillages.

Votre musique semble avoir une profonde dimension spirituelle. Avez-vous cherché à lui donner le pouvoir de nous reconnecter à notre environnement ?

Matthew Halsall : « J’ai toujours été attiré et inspiré par des choses spirituelles telles que les méditations transcendantales et bouddhistes et divers exercices physiques qui améliorent à la fois l’esprit et le corps. Je trouve également beaucoup de paix, voire une sorte de refuge, lorsque je fais ou écoute de la musique et je pense que cela peut souvent être un bon exercice de pleine conscience lorsque vous mettez vos écouteurs, que vous fermez les yeux et que vous vous fermez également le monde extérieur. Vivant dans une grande ville comme Manchester, j’ai l’impression qu’il est très facile d’y oublier la nature et l’environnement. Je ressens souvent le besoin de m’évader et de me reconnecter au monde naturel, cela a toujours un effet super apaisant sur moi, ça me permet de respirer et de penser plus clairement. Un jour, j’espère déménager à la campagne, construire un studio d’enregistrement et une résidence d’artistes et y vivre une vie beaucoup plus simple et relaxante. »

Vous avez baptisé le label que vous avez créé « Gondwana Records ». Ce nom est-il une façon de dire que vous êtes nostalgique d’une époque (uchronique) où tout (animaux, plantes, territoires…) était lié ?

Matthew Halsall : « Oui, à cent pour cent. J’aime l’idée d’être ensemble, dans tous les sens du terme ! Je pense qu’il est vraiment important de se rappeler que le monde était autrefois uni comme un grand supercontinent et que tout le monde et tout sur cette planète mérite d’être ici et a un rôle important à jouer. Je ne comprends pas comment nous avons créé une telle division et une telle destruction sur cette belle planète, cela me rend très triste. »

Vous venez de Manchester, une ville surtout connue pour sa pop électrique (The Buzzcocks, the Smiths…) ou sa culture club (New order, Happy Mondays…). Héberge-t-elle également un grand nombre de musiciens influencés par la nature ?

Matthew Halsall : « La communauté musicale de Manchester est très spéciale et, pour être honnête, elle est l’une des raisons pour lesquelles je vis dans cette ville, tout en étant proche de mes amis et de ma famille. Ici, les gens écoutent énormément de musique, soutiennent les artistes. La ville est vraiment multiculturelle, ce qui me rend heureux. Je ne sais pas combien de musiciens à Manchester s’inspirent de la nature. Je sais juste que nombre de musiciens de jazz que je connais aiment passer du temps dans des endroits comme le Peak District et la campagne environnante. »

Photo de têtière : Cénel Fréchet-Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web de Matthew Halsall

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