Tomasz Sroczyński, un compositeur sur les sommets polonais

Dis-nous où tu vis, nous devinerons sans doute ce que tu composes… La Sixième symphonie de Beethoven, celle qu’on appelle La Pastorale, est une œuvre des plaines et des collines des environs de Vienne, peuplée de paysans et de coucous. Le Polonais Tomasz Sroczyński s’en inspire dans sa Deuxième symphonie, qu’il ouvre d’un entêtant mouvement baptisé Moderato pastorale. Mais il ne se sent d’obligations ni envers la lettre ni envers l’esprit. « Je voulais me référer à cette symphonie, parmi d’autres choses » admet-il. « La première partie de l’œuvre de Beethoven est sous titrée « Erwachen heiterer Gefühle bei der Ankunft auf dem Lande » (« Éveil d’impressions agréables en arrivant à la campagne »). Ce titre vaut aussi pour la première partie de ma symphonie. »

La comparaison s’arrête là. La musique de Tomasz Sroczyński est une musique des sommets : minérale, âpre, changeante. Le jeune compositeur vit au pied des montagnes du sud de la Pologne, dans la chaîne des Tatras qui sépare le pays de la Slovaquie. « J’ai la chance de voir de ma fenêtre la rivière et Babia Góra, le plus haut pic des environs. Plonger dans la forêt ne me prend que deux minutes. Des ruisseaux entourent ma maison, je les entends dès que j’ouvre la fenêtre. »

Vue de la fenêtre de Tomasz (D.R.)

C’est dans ce décor que Tomasz Sroczyński a conçu Highlander, une symphonie farouchement lyrique, que le label nancéien Ici, d’ailleurs édite en ce début d’été. Pas d’orchestre ici, plutôt une succession d’ascensions en solitaire : le musicien pince et martèle son violon, lui arrache de longs glissandos qu’il répète, empile, juxtapose et synchronise sur son ordinateur. Les phrases du violon se déplacent, se déphasent, et l’auditeur, vite dépassé, se retrouve dépaysé, entre terre et ciel, en plein vent, aux côtés du compositeur. « Pendant l’enregistrement, j’allais souvent à Diablak, le sommet de Babia Góra, parfois même la nuit pour être présent au lever du soleil » se souvient-il. « C’est une expérience magique, la vue est magnifique ».

Les montagnes Tatras vues de Babia Gora (D.R.)

« En montagne, même basse, on a ce qu’on appelle des « fenêtres météo » explique-t-il. « Tout peut changer en un instant. Une promenade familiale insouciante peut devenir une histoire dangereuse, souvent même mortelle. Je me souviens qu’au moment où j’écrivais une partie de Highlander, sur le Giewont, l’un des sommets les plus populaires du versant polonais des Tatras, la foudre a effrayé plus d’une centaine de randonneurs et en a tué quelques-uns. Presque au même moment, une forte pluie soudaine a piégé deux spéléologues dans une grotte voisine. Cette histoire s’est également terminée par la mort ».

Tomasz Sroczyński (D.R.)

« Ma symphonie parle aussi du respect de la montagne, probablement le seul endroit que l’homme n’a pas encore détruit » ajoute Tomasz Sroczyński, avant de conclure : « Je pense que ce qui m’entoure influence grandement ce que je compose en ce moment ». Fais-nous écouter ce que tu composes, on imaginera très probablement où tu vis…

Photo de têtière : Cénel et François Mauger
Autres photos aimablement fournies par Tomasz Sroczyński
Pour aller plus loin...
La page Bandcamp de Tomasz Sroczyński

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