[Université Paris 8] Aurora: rendre ses droits à la nature

En 2025, l'équipe de 4'33 Magazine a collaboré avec des étudiantes et des étudiants de l'Université Paris VIII, dans le cadre du cours de Makis Solomos sur la dimension écologique de certaines pratiques musicales. Plusieurs étudiantes et étudiants ont souhaité écrire un article. Nous publions ici celui de Tram Nguyen et Fifame Egbayi.

Du haut de ses 28 ans, la chanteuse pop-folk Aurora Aksnes, dite Aurora, se démarque dans le monde de la musique par sa personnalité unique et des convictions qu’elle n’a pas peur de revendiquer. Autrice-compositrice- interprète norvégienne, Aurora est une force de la nature. Activiste environnementaliste, sa musique profondément écologiste résonne particulièrement au vu du climat actuel.

Originaire d’Os, une municipalité de Bergen en Norvège, Aurora grandit entourée de nature et proche des montagnes. « J’habitais en forêt. J’ai grandi assez loin de tout » dit-elle. Il n’est donc pas anodin que son lien à la nature transparaisse dans sa musique. Quand on lui montre une photo d’un volcan, elle commence par dire : « Nous n’appartenons pas vraiment à la terre, mais nous nous sommes adaptés pour y vivre. Nous avons également adapté la Terre elle-même pour qu’il nous soit plus facile d’y vivre. En même temps, il est important de se rappeler que la “Terre Mère” n’a pas besoin de nous. Elle ne compte pas sur nous pour survivre : c’est l’inverse ». Elle suggère que le son pourrait remplacer les images, car nous vivons dans une époque tellement axée sur l’image que nous pourrions être devenus insensibles à l’effet rhétorique des images : « Nous sommes bombardés d’images, de publicités et d’images de pauvreté, de douleur et de violence. »

En juin 2024, Aurora sort son quatrième album : What happened to the heart, un album inspiré par une lettre écrite en 2022 par les activistes indigènes brésiliennes Sônia Guajajara et Célia Xakriabá intitulée We are the earth. Dans cet album, Aurora explore les thèmes de l’écologie, l’idée de se reconnecter avec la nature. En posant la question « Qu’est-il arrivé au cœur ? », elle nous invite à ne pas voir le monde de manière individualiste, et à privilégier notre connexion à la nature et envers les autres. Elle nous invite à ne pas perdre notre humanité dans un monde profondément capitaliste et envahi par les médias et la technologie. « Tout ce que nous faisons est une question d’avidité, d’argent, de consommation de masse, de capitalisme. La guerre est partout, un génocide à Gaza, des pays sous les eaux, des fleurs en Antarctique », dit-elle.

Grande activiste, Aurora affirme ses convictions à travers sa musique, où elle n’hésite pas à critiquer les puissances aux pouvoirs et à souligner l’urgence écologique qu’ils ignorent. « Quand le dernier arbre est tombé / Et les rivières sont empoisonnées / Tu ne peux pas manger d’argent », chante-elle dans sa chanson « The Seed ». De plus, Aurora participe à de nombreux projets et actions pour l’environnement. En 2020, elle signe le programme Climate neutral now des Nations unies pour réduire l’empreinte carbone dans l’objectif d’arriver vers une empreinte carbone neutre. En 2024, elle s’allie avec Greenpeace et le musicien Jacob Collier pour une performance sur les glaciers arctiques. Elle y chante sa chanson « The Seed » pour alerter sur les dangers de l’exploitation minière en haute-mer.

Pour son album « What happened to the heart » elle va plus loin en proposant un remix de sa chanson « A soul with no king » en partenariat avec la Nature même à travers le projet Sounds Right. Le projet consiste à réaliser un ou plusieurs remix de ses chansons en y ajoutant des enregistrements de sons de la nature (végétaux, animaux, etc.). L’idée est de créditer la Nature comme collaboratrice et ainsi lui donner un pourcentage des droits d’auteurs d’au moins 50%. L’argent récolté est ensuite distribué à l’organisation Earth percent pour financer différents projets visant à la conservation et la préservation des écosystèmes.

Pour son remix, Aurora travaille avec le musicien et producteur britannique Brian Eno sur l’incorporation de sons d’oiseaux issus des forêts norvégiennes. Ces enregistrements, datant de 1992, ont été effectués par l’artiste sonore Martyn Stewart, cofondateur de la plateforme The listening planet, partenaire du projet Sounds Right, qui regroupe plus de 50 ans de son travail d’enregistrement. À travers ce projet, Aurora se focalise sur les connexions qui en découlent : des connexions à la nature avec l’utilisation de l’air à travers l’enregistrement de sa respiration ainsi que la connexion à la terre avec le piétinement de ses pieds. Elle parle de l’utilisation de la mandoline, faite du bois venant des arbres et de sa voix, connectée aux montagnes dont elle est originaire. Elle y voit une connexion humaine à travers le choix des sons de la nature utilisés, les espèces d’oiseaux enregistrées étant présentes dans la région natale d’Aurora en Norvège mais aussi dans celle de Brian Eno, son collaborateur britannique.

Écologiste, mais aussi profondément humaniste, Aurora est une artiste qui ne cesse d’inspirer. « La force de la musique réside dans le fait qu’il est plus facile pour les gens de se mettre d’accord parce qu’elle est enveloppée de beauté et aucun changement ne se produira jamais si les gens ne s’unissent pas ».

Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web du département musique de l'université
Le site web d'Aurora

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