Alors qu’il est à peine trentenaire, Bastien David est déjà un compositeur reconnu. Cet élève de de Bernard Cavanna, José Manuel López López et Gérard Pesson présente le dimanche 31 octobre à l’abbaye de Royaumont, dans le Val d’Oise, l’instrument qu’il a inventé, le Métallophone, un ensemble de deux cent seize lames d’acier qui promet des aventures acoustiques inouïes. Le compositeur faisant fréquemment référence dans ses textes ou ses interviews à la pensée écologique, il est ici invité à développer son propos…
En quoi le Métallophone est-il un instrument écologique ?
Bastien David : « En tant que compositeur et chercheur sonore, j’aime être à l’écoute du monde qui nous entoure. La nature me fascine. L’imaginaire du Métallophone découle de cette attention portée à la compréhension d’un phénomène sonore. Pour réaliser cet instrument, j’ai cherché à comprendre les capacités d’accordage de l’acier par le martèlement. Je dirais donc que l’aspect écologique de ce nouvel instrument découle d’une bienveillance à l’égard des phénomènes naturels. Ensuite, c’est un projet qui s’inscrit sur la durée. Il m’a fallu neuf années pour terminer sa fabrication et à celles-ci viendront s’ajouter les années de composition. J’ai choisi de m’éloigner d’un monde consumériste où les œuvres produites ont une espérance de vie courte : une création, pas ou peu de reprises. Je crois qu’une création mérite d’être entendue par différentes personnes, dans des lieux différents, dans des régions différentes. Enfin, aujourd’hui, il y a un engouement très fort pour les nouvelles technologies. Le Métallophone, lui, est un instrument totalement acoustique qui fait appel aux qualités d’un matériau simple, replaçant l’humain et le partage au cœur de la création. »
Pourquoi avez-vous appelé l’ensemble de percussionnistes qui vont jouer sur cet instrument « Les Insectes » ?
Bastien David : « Le monde minuscule, celui des insectes m’a toujours fasciné, par sa diversité, par sa solidarité… Le dialogue entre ce monde minuscule et le monde dans lequel on vit est totalement rompu. On projette sur lui nos peurs alors qu’il est fascinant. On décrit d’ailleurs parfois les couleurs et les sonorités de ce petit monde comme «presque électroniques », ce qui est paradoxal puisque c’est l’humain qui, par mimétisme, reproduit ses sonorités et non pas l’inverse. Aussi, l’une des spécificités du Métallophone est d’être un instrument accordé au douzième de ton. Il permet de faire entendre des intervalles extrêmement petits nous ouvrant alors les portes du sonore minuscule. Les Insectes, c’est donc un ensemble de six percussionnistes affairés autour de cet instrument multipode. Le jeu de ces six percussionnistes devient alors comme un ballet chorégraphique de baguettes et d’archets en mouvement. »
Pour en revenir à la micro-tonalité, n’est-elle pas aussi une ouverture vers le monde sonore des animaux, qui ne se contentent pas des notes de la gamme ?
Bastien David : « Absolument. Aller chercher des sons infimes au travers de la micro-tonalité, c’est tendre l’oreille vers ce monde naturel. La micro-tonalité est un phénomène sonore que l’on entend dans l’écoulement de l’eau, dans le mouvement de l’air, dans les chants d’oiseaux, dans les chants des mammifères, dans – encore une fois – les productions sonores des insectes… Ce sont des choses que l’on perçoit mais que l’on n’a peu apprivoisées. Ce qui me plaît dans la micro-tonalité, c’est le dialogue qui se fait entre deux notes très rapprochées. Deux notes proches l’une de l’autre produisent ce qu’on appelle des « sons différentiels » : des sons extrêmement riches qui possèdent une vie intérieure. Quand on joue de cet instrument, toutes les lames se mettent à discuter entre elles et à produire des sonorités autres, très complexes. On les ressent par nos oreilles mais aussi par la peau et les os. En écoutant le Métallophone, on a parfois la sensation de percevoir le son par le corps tout entier. »
D’où vous vient votre questionnement écologique ?
Bastien David : « Je suis né en région parisienne, j’y ai grandi. C’est le monde que j’ai toujours connu. Vous connaissez le phrase « L’herbe est toujours plus verte ailleurs ». Une curiosité est donc née, je me suis demandé quel était l’autre monde, ce monde de la nature que je ne connaissais pas. Alors j’ai voyagé dans des endroits très différents, à la rencontre de personnes, de paysages, d’environnements sonores. Cela m’a fait prendre conscience de la très grande intelligence qu’avait offert le temps à ce monde naturel. Les ailes d’un papillon sont de la « haute technologie », avec une expérience de plusieurs millions d’années. Ça donne envie d’apprendre non ? »
Portrait de Bastien David : Samuel Gratacap Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin... Le site web de Bastien David Le site web de la Fondation Royaumont