Opéra : les mots de « Cassandra », l’activiste qui n’est jamais crue

C’est principalement par les mots que les crises que nous traversons entrent dans la musique classique d’aujourd’hui. La musique contemporaine – celle en tout cas qui se permet d’utiliser l’électronique ou de sortir des salles de concerts – reflète son époque par des mises en espace ou l’incorporation d’enregistrements naturalistes. Mais, pour les compositeurs qui s’inscrivent dans la lignée de Bach ou de Mozart en reprenant leur instrumentarium (notamment le chœur pour le premier et l’orchestre pour le second), s’adapter à son époque, c’est bien souvent en adopter le vocabulaire.

Ainsi, le compositeur états-unien John Luther Adams a fait entendre cette année une nouvelle œuvre pour chœur basé sur les noms scientifiques de 192 espèces de plantes et d’animaux récemment disparues ou très menacées. Cette pièce d’une durée d’environ 50 minutes, intitulée Vespers of the Blessed Earth («  Vêpres de la terre bénie ») a été créée fin mars par l’Orchestre de Philadelphie et reprise en juin par le chœur du Symphony Hall de Birmingham, en Grande-Bretagne. Le dernier animal nommé dans la liste est l’homo sapiens.

Organiste, un temps directeur du Festival d’Aix-en-Provence, Bernard Foccroulle a quant à lui choisi de consacrer son premier opéra à la question de la parole écologique. Créée à Bruxelles en septembre, l’œuvre s’inspire du mythe de Cassandre, fille du Troyen Priam, qui a le don de prévenir les catastrophes à venir et la malédiction de n’être jamais entendue ou crue. Avec le librettiste canadien Matthew Jocelyn, le compositeur belge a rencontré deux activistes climatiques, Adélaïde Charlier et Anuna De Wever, et les a interrogées sur leur vie quotidienne, leurs colères, leurs dernières raisons d’espérer… Il en résulte un spectacle en treize scène et un prologue, très complet, dont les décors transportent le spectateur dans une immense bibliothèque, une ruche ou au cœur d’un glacier. La presse belge salue de façon unanime à la fois la qualité de la partition et son absence de manichéisme. A quand des dates françaises ?

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