« Microcosmos » : les mondes intérieurs de Lou Turner

« À Nashville, il y a un dicton qui dit : « La musique country, c’est trois accords et la vérité » » déclare Lou Turner, une chanteuse texane, désormais basée à Nashville, qui a grandi en écoutant Hank Williams et ses descendants. « Même si je n’avais pas l’intention de faire de la musique country, cela ferait toujours partie de la structure moléculaire de mes chansons » confie-t-elle au moment où elle publie sur le label Spinster son troisième album, Microcosmos. Sur l’une de ses chansons, Empty Tame and Ugly, elle se moque pourtant affectueusement de l’archétype masculin du troubadour errant de ville en ville, laissant dans son sillage une palanquée de cœurs brisés. « Pour moi, la musique country a toujours été une musique faite pour la classe ouvrière et les gens simples » explique-t-elle. « Elle est née dans les familles blanches de la classe ouvrière autant que chez les Noirs qui travaillaient comme esclaves. C’est une musique américaine pleine de complexité, de questions, de chagrins… C’est une tradition à laquelle je suis fière d’appartenir et que je suis en même temps fière de pouvoir remettre en question. Une grande partie de la musique country produite à Nashville aujourd’hui est trop pleine de réponses brillantes. Moi, je suis dans la musique pour les questions. »

Sur Microcosmos, ses questions portent principalement sur la notion de grands espaces, inhérente à la mythologie états-unienne. Lou Turner lui préfère la proximité, l’intimité. Elle cherche et trouve dans son environnement le plus immédiat une constellation de mondes merveilleux, qu’elle chante sur de superbes mélodies que n’auraient pas reniées Joni Mitchell ou Neil Young, leur donnant l’ampleur d’épopées domestiques. « Jusqu’où pouvez-vous voyager dans votre propre arrière-cour, lorsque vous vous intéressez au banal, aux choses qui poussent, aux relations avec l’environnement ? » s’interroge la chanteuse, par ailleurs poétesse publiée.

« Microcosmos est une méditation sur ce que signifie privilégier la culture à la consommation ou réfléchir à des réalités plus larges depuis la coquille d’une maison. La récompense est l’aventure dans l’immobilité et l’observation, la découverte du spirituel au sein de ce qu’il y a de plus matériel, les révélations de l’enracinement. Turner offre généreusement ces merveilles à l’auditeur, partageant ses prises de conscience et nous invitant à en faire d’autres » écrit Emily Hilliard, la co-fondatrice de son label, Spinster Sounds.

« Emily et les autres femmes qui dirigent le label sont un exemple fantastique de ce à quoi cela ressemble de « privilégier la culture à la consommation » » réagit Lou Turner. « Leur maison de disques indépendante lance des projets lentement, en prenant son temps, en accordant une grande importance à la qualité, aux relations entre les personnes et à l’excellence, bien plus qu’aux quantités, qu’aux chiffres ou qu’à tout autre type de mesure capitaliste du succès ».

Cette maison de disques n’est pas basée à Nashville. Est-ce pour cela que – pour paraphraser le dicton – elle compte bien plus de trois accords et d’une vérité ?

Photo de têtière : François Mauger
Portrait de l'artiste : Trevor Nikrant
Pour aller plus loin...
Le site web de Lou Turner
Le site web de son label, Spinster

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