Comme Ulysse, Jonathan Meiburg a fait de longs voyages et en est revenu « plein d’usage et raison », pour parler comme le faisait – superbement – Du Bellay. Le chanteur avait pourtant quitté son pays à demi-désespéré par l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. L’album que son groupe, Shearwater, avait publié l’année précédente sur Sub Pop, Jet Plane and Oxbo, résonnait déjà de craintes pour l’avenir.
Pendant une demi-douzaine d’années, Jonathan Meiburg a choisi d’appuyer sur « pause » et de prendre le large. Ses voyages l’ont amené en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Il en est revenu avec un livre, The Hidden Life and Epic Journey of the World’s Smartest Birds of Prey, paru en 2021. Il y est principalement question du Caracara huppé (Caracara plancus), une espèce de rapaces de grande taille qui vit en Amérique du sud, sur une aire très vaste allant des Malouines à l’Amazonie. Sa description de la sociabilité et de la grande intelligence du Caracara a valu à l’auteur le prix littéraire Kirkus, ainsi que les félicitations de la NPR, le service public radiophonique états-unien, ou de la chanteuse Laurie Anderson.
Jonathan Meiburg est également rentré avec de nombreux enregistrements de terrain dans ses bagages. Un chœur de singes hurleurs rencontré en Guyane apparaît ainsi en filigrane sur le premier extrait du nouvel album de Shearwater. Ce morceau doit par ailleurs son titre, Xenarthran, aux xénarthres, un groupe de mammifères qui comprend les fourmiliers, les paresseux et les tatous. Quelques représentants de ces derniers ont migré jusqu’au Texas, l’état de Jonathan, qui les observait entre deux sessions d’enregistrement de The Great Awakening. Ce nouvel album, qui sortira en juin, a le courage des petits animaux caparaçonnés : il invite à accepter de changer de contexte, à se mettre en mouvement, même à travers des paysages hostiles… Vivement le mois de juin, qu’on en parle plus longuement !
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin : la page Bandcamp de Shearwater