16 musiciens à vélo pendant 14 jours : les Forces Majeures battent des records

Pendant 2 semaines, du 10 au 24 avril, l’orchestre Les Forces Majeures parcourra 250 km à vélo, de Grenoble à Genève. L’ensemble de Raphaël Merlin donnera des concerts dans vingt communes de la région. Intitulée « Accordez vos vélos ! », cette tournée permet de repenser en profondeur la circulation des artistes, autant dans ses dimensions écologiques, qu’économiques ou humaines. Ancien ingénieur, passionné de vélo, Robin Ducancel est le Directeur général des Forces Majeures. Membre fondateur d’Arviva, il sera sur les routes avec les musiciens et explique pourquoi…

Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans cette tournée à vélo ?

Robin Ducancel : « Pour de multiples raisons… Pour, déjà, imposer une contrainte qui nous oblige à prendre le temps de partir en tournée, le temps de rester dans les localités où on joue… Souvent, les musiciens arrivent en train ou en avion, font une répétition puis un concert, éventuellement dorment sur place puis repartent. L’idée, au contraire, c’est de se donner le temps de traverser les territoires des départements de l’Isère et de la Savoie, jusqu’à Genève. Cette tournée nous permet bien sûr d’expérimenter un mode de déplacement plus doux, moins polluant. C’est une vraie expérimentation : cela n’a quasiment jamais été fait à l’échelle d’un orchestre. L’idée est de pouvoir ensuite tirer un bilan environnemental de la tournée, de pouvoir calculer son impact en termes d’émission carbone. Par ailleurs, on fait souvent face au problème du contrat d’exclusivité : quand vous jouez dans une salle, la structure vous demande de ne pas jouer dans le mois qui suit dans un rayon de 100 à 150 kilomètres. Pour beaucoup d’acteurs du spectacle vivant, c’est une contrainte absurde, surtout aujourd’hui, au moment où on essaie de construire des tournées plus intelligentes, qui ne nous emmènent pas de Paris à Bordeaux puis de Bordeaux à Metz. Pour cette tournée, on multiplie les dates entre Grenoble et Genève, dans un rayon de 250 kilomètres. Tous les partenaires sont au courant qu’on va jouer à 15 ou 20 kilomètres de leur commune et, étonnamment, quand vous expliquez que vous tournez en vélo, personne ne vous embête plus avec ce détail-là. L’idée est aussi de souder notre groupe de manière beaucoup plus forte. Là, on partage les repas, on dort dans des campings, dans des bungalows, chez l’habitant, ça rapproche… C’est aussi une manière de mieux connaître le public. On va systématiquement partager des repas avec les équipes municipales et avec la population. On sort du milieu de la musique classique. On monte des partenariats avec des clubs cyclistes, avec la fédération française de vélo, avec des réparateurs, avec des collectifs d’artistes qui se déplacent à vélo, en dehors de la musique classique… »

Concrètement, comment vont se passer les déplacements ? Combien serez-vous sur les routes ?

Robin Ducancel : « Ca représente 30 personnes en tournée : 16 musiciens et une équipe professionnelle ou bénévole. Sur les 30 personnes, 25 sont en permanence sur les vélos, les autres sont à bord de deux voitures-balais. On ne peut pas tout emmener dans les remorques des vélos. Nous en avons pourtant 7, de taille différente. Deux font 2 mètres de long. Elles ont été conçues pour embarquer 2 timbales et des violoncelles. Une autre remorque a été conçue exprès pour une contrebasse. Mais il nous faut des véhicules. De même, on a recours à des vélos électriques, parce qu’il va y avoir du dénivelé. On va monter sur les Balcons de Belledonne à deux reprises, sur le plateau de Rumilly, sur le Balcon des Bauges… On a repéré tous les itinéraires et il y a de sacrées montées. Sans vélo électrique, on ne parviendrait pas à tracter les remorques. En cas de pépin, on a un ou deux vélos classiques de secours. Moi, j’ai toujours fait de la course, de la compétition, des voyages à vélo… Dans l’équipe, au total, on est 5 cyclistes assez chevronnés. On sait tous réparer un vélo, changer une chambre à air, faire sauter un maillon de chaîne… »

Qu’allez-vous jouer ? Et qu’est-ce que ce voyage va changer à la façon dont vous jouez ?

Robin Ducancel : « Le programme débute avec la Pastorale d’été d’Arthur Honegger, un petit clin d’œil à la Suisse, où on terminera notre tournée. Le plat principal, c’est la Symphonie n°4 de Mendelssohn, la symphonie « italienne », qui fait partie du grand répertoire : elle est plutôt classique même si elle annonce le romantisme. Son premier mouvement est très connu. Enfin, il y a des inédits pour orchestre, que Raphaël Merlin a arrangés : Promenade de Poulenc, qui est divisée en plein de mouvements dont le nom est en lien avec la mobilité (« à pied », « à cheval », « à vélo », « en voiture »…) et Cortège burlesque d’Emmanuel Chabrier, qui est presque un ragtime. On a également prévu deux chansons à notre répertoire, parce que, dès que ce sera possible, on incitera le public à chanter. Dès qu’on arrivera quelque part, notre chef assistant fera répéter un groupe de choristes, pour qu’ils chantent avec nous à la fin du concert. On va beaucoup jouer en extérieur. On avisera chaque fois la veille en fonction de la météo : pour chaque concert en extérieur, il y a un plan B dans une salle polyvalente ou un gymnase. Très souvent, on ne demande pas de praticables ; on jouera tous debout. Tout cela influe sur le son de l’orchestre, parce que d’ordinaire les musiciens sont tous assis et séparés par des gradins. La façon de jouer sera certainement plus vivante, plus spontanée. De même, faire en sorte que l’orchestre arrive à vélo, alors que le public est déjà là, change beaucoup de choses. Les habitants voient l’orchestre sortir ses instruments. Ça change profondément le rapport au public… »

Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web des Forces Majeures 

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