[A lire] Jérôme Sueur, conteur de sons

Saviez-vous qu’en Australie, le chant de la cigale baudruche (Cystosoma saundersii) frôle les 100 décibels à un mètre de distance ? Ou que le mâle de l’Hygrolycosa rubrofasciata, une minuscule araignée, tapote les feuilles mortes pour séduire sa belle ? Ou encore que, pour atteindre des notes remarquablement graves, les cerfs abaissent leur larynx dans le cou, de façon à augmenter la taille de leur pharynx ?

Pendant les confinements, l’écoacousticien Jérôme Sueur racontait mille histoires de ce type dans l’une des séquences de l’émission de France Inter « La terre au carré ». Chacune de ses explications était précédée ou suivie d’un enregistrement réalisé par des audionaturalistes ou des artistes sonores tels que Fernand Deroussen, Marc Namblard, Boris Jollivet, Bernie Krause, Thomas Tilly, Aline Pénitot ou Stéphane Marin. Jérôme Sueur a également contribué à cette arche de Noé sonique avec des sons de punaise aquatique, de blatte souffleuse de Madagascar ou deux « sonifications » (qu’il décrit comme « une opération mathématique qui permet de transformer des chiffres en ondes sonores »).

Toutes ces chroniques viennent d’être réunies dans un livre qui parait chez Actes Sud, Le son de la terre. Les enregistrements figurent également, sous la forme de QR codes à scanner, dans ce court recueil érudit mais jamais jargonnant. D’une plume amusée, Jérôme Sueur relie les animaux et leur environnement au gré de thématiques transversales (les fleurs, les dunes, la préhistoire…). Il en tire de laconiques morales, souvent espiègles, parfois plus combatives. Ainsi à propos du Silence des hommes, un très bel album d’enregistrements audionaturalistes de Fernand Deroussen réalisés pendant le premier confinement, il rappelle : « Nos bruits ont un effet désastreux sur la santé humaine, animale et des écosystèmes. Il est grand temps de reconnaître le bruit non pas comme une simple gêne mais comme une pollution au même titre que les pollutions chimiques et lumineuses. Lutter contre le bruit au quotidien pourrait nous permettre de jouir sans entraves d’un silence pétillant de sons naturels. »

Ah, « un silence pétillant de sons naturels », quelle belle promesse ! Voilà qui donne envie de partir à vélo ou à pied finir ce livre dans une forêt crépitante de vie…

A lire : « Le son de la terre » de Jérôme Sueur, chez Actes Sud
Photo de têtière : François Mauger

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