Saint-Pierre-et-Miquelon… Un archipel sous contrôle français, au sud de l’île canadienne de Terre-Neuve, mais aussi un édifiant poste d’observation du changement climatique. La chanteuse et productrice Alexandra Hernandez en est originaire, même si elle s’est formée à Montréal et dans l’hexagone. Elle y revient régulièrement et y développe depuis un moment un projet tourné vers l’océan, qu’elle se prépare à présenter en France métropolitaine. Discussion à propos de son parcours…
A quel moment avez-vous eu l’idée du projet Inouï ? Est-ce lié avec votre rencontre avec le chercheur Laurent Chauvaud ?
Alexandra Hernandez : « Oui, c’est lié. Originaire de Saint-Pierre-et-Miquelon, j’ai toujours été très attirée par l’océan. Intriguée, en fait, avec un regard d’artiste et d’îlienne, mais rien de scientifique. C’est vrai qu’en rencontrant Laurent et son équipe, j’ai pris conscience de ce qu’était l’océan. J’ai pris du temps pour assimiler leurs connaissances, pour regarder des images, pour écouter des sons… J’ai passé un brevet de plongée pour aller voir par moi-même. Il y a eu une année entière d’échanges pour ouvrir mon champs de connaissance sur ce qui m’entoure à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le projet est né de cette rencontre et du fait que ces chercheurs ont du mal à faire passer leur message, à intéresser les gens à l’état de l’océan, à sa fragilité, à l’urgence de plus en plus criante. L’eau se réchauffe, elle est polluée, on pêche trop… Ça fait 50 ans que les chercheurs essaient de nous alerter sur l’état des océans mais on a l’impression qu’ils ne trouvent pas d’écho. Le projet est né de l’envie d’aider à travers l’émotion, le spectacle. »
Comment le résumer, ce projet ? D’abord comme un spectacle ? J’ai vu qu’il y avait aussi un projet de livre, de disque…
Alexandra Hernandez : « C’est clairement un spectacle vivant. On est trois musiciens sur scène, avec un VJ, un gars qui lance des images. Le spectacle mêle sons et images sous-marines ou marines (c’est-à-dire des plans de drone de cétacés). Beaucoup d’images nous entraînent dans les profondeurs, jusqu’à 40 mètres, où on a une faune polaire assez incroyable. Plus de la poésie, des textes, de la musique, 8 chansons. Notre spectacle musical a une forme un peu atypique, avec l’intervention de scientifiques, qui prennent la parole. Autour de ça, on a créé une marque qui s’appelle « J’écoute l’océan ». Elle sera imprimée sur des t-shirts ou des sacs pour que les gens se l’approprient, comme une forme d’engagement. Un disque-livre va accompagner le spectacle. Autour du spectacle, gravitent ainsi plusieurs projets… »
Où allez-vous présenter pour la première fois ce spectacle ?
Alexandra Hernandez : « Tout est presque prêt mais on a encore une résidence de mise en scène à effectuer. La première devait se faire au Off d’Avignon mais, finalement, elle se fera en octobre à Bayonne, au festival Haizebegi, un beau festival lié aux sciences sociales. On fera également des interventions en milieu scolaire. »
A Saint-Pierre-et-Miquelon, les habitants ont-ils, comme vous, un chemin à accomplir pour se rapprocher de leur océan ?
Alexandra Hernandez : « Notre histoire, notre culture, tout est lié à l’océan. Mais l’océan est d’abord vu comme un garde-manger. Nous avons prouvé que les êtres humains sont capables de flinguer un stock entier de poissons, puisqu’il n’y a plus de morues. Tout l’archipel était lié à la morue : on la séchait, on la transformait, il y avait toute une économie liée, aussi, aux escales des bateaux. C’est fini. L’océan reste un lieu de loisirs, de jeux. Mais peu d’habitants portent un regard bienveillant sur lui. On importe tout. On a de gros 4×4 et on pollue beaucoup. Il nous reste un grand chemin à faire avant de comprendre que Saint-Pierre-et-Miquelon fait partie des 5 endroits dans le monde où la température va monter le plus et le plus vite, à cause des courants qui se croisent. A la fin du siècle, on va prendre 4 degrés. Beaucoup d’espèces vont migrer mais les algues, les invertébrés, les Coquilles Saint-Jacques bougent moins vite. Les espèces polaires que nous connaissons vont disparaître. Notre culture va être bouleversée s’il n’y a plus de neige. On en parle très peu. Ce spectacle se veut provocateur, il veut enseigner la réalité des choses, présenter humblement mais émotionnellement l’état réel de notre océan. »
Image de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin... Le site web du projet Inouï Le site web du laboratoire de Laurent Chauvaud