Benoît Reeves et les choristes du climat

« J’ai très vite ressenti le besoin de rapprocher la science et la musique » raconte le musicien et médiateur scientifique Benoît Reeves. « J’ai d’abord orienté les concerts vers l’astronomie, puis vers l’environnement, la crise climatique s’accélérant. On a commencé en 2014, avec ce qu’on appelait « la chorale bio », parce qu’elle était faite de chanteurs entièrement recyclables. On avait de l’humour mais, maintenant, ça ne rigole plus. »

Benoît Reeves est un homme affable mais résolu. A 60 ans passés, le fils de l’astrophysicien Hubert Reeves a déjà mené plusieurs carrières en parallèle, enchaînant les projets de documentaires, les idées de spectacles et les tournées de conférences. Pourtant, à l’heure où d’autres pourraient faire valoir leurs droits à une retraite bien méritée, le Franco-Canadien déborde d’énergie. « Quand vous avez des enfants et que vous les aimez, vous vous demandez dans quel monde ils vont se retrouver » explique-t-il. « Il va faire 50 degrés à Paris au mois d’août. Ce qui m’a particulièrement choqué l’été dernier, c’est quand j’ai vu les fumées du Canada, les fumées de mon pays d’origine, traverser l’océan pour venir jusqu’à Paris. Quelle catastrophe ! Il y a un message d’urgence à délivrer. D’autant plus depuis que mon père est parti. Je suis plus déterminé. C’est presque une mission personnelle, mon combat : essayer de mobiliser largement, pour que les jeunes ne perdent pas l’espoir. »

Pour lui, cette mobilisation passe par la musique, un art qu’il pratique depuis l’enfance, commençant toujours par expérimenter un nouveau style sur scène avant d’approfondir ses connaissances de façon plus académique. « A l’origine, j’étais plutôt batteur, percussionniste » se souvient-il. « J’avais pris des cours à l’école de Dante Agostini, un percussionniste très connu à l’époque. J’ai commencé dans le monde du rock progressif, dans la lignée de Yes, Genesis, King Crimson ou Pink Floyd. Très vite, je me suis retrouvé sur scène avec une formation qui s’appelait Skryvania. Nous participions à des concours, nous gagnions des prix au Golf Drouot. On a fait un album qui est encore très coté sur le marché de la musique progressive. Mais, d’un seul coup, la vague punk est arrivée. On a partagé une scène avec les Sex Pistols. Mais la mode avait changé. Comme je voulais rester sur scène, je me suis retrouvé à la fois dans un groupe de musique traditionnelle québecoise et dans un groupe de jazz. Je faisais beaucoup de tournées mais, parallèlement, je prenais des cours de jazz et de musique classique. Plus tard, j’ai même eu la possibilité de suivre une formation en orchestration, composition et arrangement musical. J’ai toujours fonctionné ainsi. J’aime la phrase qui dit « C’est à force de prendre des râteaux qu’on finit par savoir jardiner ». »

Aujourd’hui, Benoît dirige La Clef des Chants, un chœur et un orchestre émanant de l’université de la Sorbonne, réunissant étudiants et membres du personnel. L’ensemble interprète avec enthousiasme le répertoire classique autant que la pop la plus récente. Intitulé « 4 degrés, sinon rien », son nouveau programme aborde la question du dérèglement climatique en compagnie d’invités prestigieux. « J’ai beaucoup créé de spectacles autour de la parole de mon père. Il est souvent venu participer à des concerts-conférences avec nous » confie Benoit Reeves. « Puis je me suis rapproché d’Aurélien Barrau, pour avoir un ton un peu plus cassant. Aurélien a beaucoup aimé ces concerts qui joignent la poésie, la musique et la pensée. Il a demandé à plusieurs étudiants de la chorale de créer une sorte de laboratoire d’idées. On m’a reproché d’être un peu trop pro-décroissance, alors j’ai choisi de faire venir aussi Yann Arthus-Bertrand. Prochainement, j’envisage d’inviter Etienne Klein, Jean-Marc Jancovici et Cédric Villani, comme ça la chorale aura réuni toutes les sensibilités. C’est un énorme problème : l’écologie n’aurait jamais dû être politique. En même temps, si l’écologie n’entre pas au gouvernement, on ne risque pas de faire voter des lois. Nous, on essaie simplement de faire passer le message écologique avec l’émotion de la musique ».

Lors de grandes soirées dans les amphithéâtres de la Sorbonne ou dans le domaine de Longchamp, le siège de la fondation Good Planet, airs classiques, extraits de bandes originales de film et nouveaux standards internationaux alternent donc avec des prises de parole. Et, lorsque le chœur a chanté, que les penseurs se sont exprimé, il ne reste au public qu’à planter. « Lors de la dernière série de concerts, on a donné et on donne encore une graine de ginkgo biloba fraîchement venue de Montpellier. Les spectateurs repartent avec et la plantent. C’est une forêt délocalisée à la mémoire de mon père qui se crée » révèle Benoît Reeves, avant de préciser « Pour l’instant, sa pointe nord est dans le Pas-de-Calais et sa pointe sud en Italie, du côté de Florence. »

Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web de La Clef des Chants

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