La Rêveuse : « On a essayé de conjuguer musique et écologie »

Aviez-vous déjà entendu un flageolet d’oiseau du XVIIIe siècle, avant que La Rêveuse ne publie sur disque son Concert des oiseaux ? Et saviez-vous qu’au siècle de Louis XV, les humains tentaient d’apprendre aux serins à chanter ? En lançant toute une série de projets autour des rossignols, fauvettes et autres coucous du passé, l’ensemble baroque La Rêveuse a fait découvrir à un grand nombre de mélomanes un chapitre méconnu de l’histoire de la musique européenne. Discussion avec la violiste et directrice artistique Florence Bolton à propos d’un succès bien mérité…

Ces deux dernières années, vous avez multiplié les projets. Vous avez créé un spectacle jeune public, Le Rossignol et l’Empereur de Chine, qui est depuis devenu un livre-disque, récemment élu Coup de Coeur de l’Académie Charles Cros Jeunesse. Vous avez mis en place une conférence, « La fabuleuse histoire des Oiseaux dans la musique ». Vous avez imaginé un programme de concert, le « Concert des Oiseaux » et un spectacle « Le carnaval des animaux en péril », réunis sur un disque paru chez Harmonia Mundi. Vous avec collaboré avec la maîtrise de Radio France pour « Les oyseaux vivent sans contraintes » …

Florence Bolton : « Ce programme-là n’avait qu’un rapport assez distant avec les oiseaux. Seul le titre le rattache aux autres »

Est-ce que cette accumulation de projets est une façon d’aller à la rencontre de tous les publics ?

Florence Bolton : « Oui, effectivement. Quand on est musicien baroque, on finit par ne tourner que dans peu de salles. Souvent, les gens pensent que la musique classique – et la musique baroque encore plus ! – est élitiste. On s’en est rendu compte en faisant pendant deux ans des tournées dans un bus transformé en petite salle d’opéra, l’ « opéra-bus ». On était allé dans les villages et on s’était rendu compte que les gens n’avaient pas du tout accès à la musique. Ils sont loin des grandes salles de concert mais il y aussi un état d’esprit qui consiste à penser que la musique classique est réservée à un public urbain, cultivé. Ça nous a fait réfléchir. On s’est dit qu’il faudrait trouver des sujets plus parlants. On pensait que, plutôt qu’un concerto de Corelli, annoncer un « concert des oiseaux » pourrait faire venir plus de monde. Il se trouve qu’on se sent très concerné par les combats écologiques. On a donc essayé de conjuguer musique et écologie. Le premier projet de ce genre tourne autour des oiseaux. Les modules que vous avez mentionnés apportent de la souplesse à un organisateur. Il programme ce qu’il veut : parfois, juste la conférence ; parfois, le concert ; parfois plus… On peut rester une semaine dans une même région et jouer dans divers lieux, aussi bien dans des écoles que dans des médiathèques, que dans des salles de spectacle… »

Comment réagissent ces différents publics ? Vous parlent-ils plutôt de la musique ou du thème ?

Florence Bolton : « Tout dépend des publics. En janvier, on a joué dans un festival d’écologie. J’ai trouvé ça vraiment intéressant. Il y avait beaucoup de gens qui ne vont pas au concert d’ordinaire. Ils pensaient que la musique classique, c’est chiant. Comme on a expliqué pendant le concert comment les oiseaux ont inspiré les compositeurs, dans quelle mesure on peut reproduire leurs chants, et cetera, les gens étaient ravis. Ils nous ont dit « On est venu comme ça, un peu par hasard, et on découvre que la musique peut être intéressante ». C’est important pour nous, d’attirer les gens vers la musique. »

Vos aventures avec les oiseaux sont loin d’être finies. Pouvez-vous déjà dresser un bilan ?

Florence Bolton : « Le projet autour des oiseaux rencontre effectivement le succès. On a dépassé les 200 dates. On tourne aussi à l’étranger, surtout dans les pays francophones, en Belgique et en Suisse. On a joué en Italie il n’y a pas longtemps dans un festival autour des paysages. On a donné des concerts au Canada. Les oiseaux parlent à tout le monde. Les spectacles sont très demandés. Les années qui viennent sont déjà pleines d’oiseaux. Seul le Carnaval des animaux en péril est rarement demandé. Je pensais que c’était la suite logique des autres spectacles, en plus militant. C’est peut-être ce côté militant qui le pénalise. Et pourtant, on ne va pas trop loin. On s’est dit, comme il est proposé aux scolaires, qu’il ne fallait pas être déprimant. Malgré ça, des programmateurs pensent que c’est moralisateur. On a senti bien plus de réticences. Je trouve ça dommage, parce que c’est un beau spectacle, qui permet la réflexion. Notre métier n’est pas seulement de faire de jolis concerts pour faire plaisir aux gens qui veulent se divertir, on voudrait aussi faire réfléchir. »

Faire rimer musicien et citoyen…

Florence Bolton : « Ce n’est pas facile. La question des femmes est un sujet à la mode dans le milieu musical. On peut aisément être militant de ce côté. Mais, du côté de l’écologie, il n’est pas encore très facile de mobiliser les programmateurs. Ce n’est pas gagné. »

Photo de têtière : Cénel Fréchet-Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web de La Rêveuse

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