Christine Audat : « Les enfants ont un rapport spontané avec les animaux »

Complet ! Il n’y a plus de places pour Pájaros, le spectacle jeune public que donnent la chanteuse et guitariste franco-péruvienne Christine Audat et la violoncelliste Johanne Mathaly à la Philharmonie de Paris le 16 mars. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas parler de ce tour de chant intercontinental illustré par Adelina Kulmakhanova et Jacek Wozniak… D’autant qu’il est loin d’avoir fini son tour de France !

Comment est né ce spectacle ?

Christine Audat : « Le point de départ de ce spectacle a été la « fabrique à chansons » de la Sacem. J’y ai participé il y a quelques années. Je voulais travailler sur la migration. J’étais en tandem avec une prof, Véronique Disson, qui, elle, voulait travailler sur les oiseaux parce qu’elle était militante LPO, qu’elle partageait déjà ses connaissances avec sa classe : elle faisait imiter les oiseaux par les enfants. J’ai donc décidé de travailler sur la migration des oiseaux, ce qui permet d’aborder la question de la migration de manière un peu moins frontale. J’ai écrit une chanson pour cette prof et sa classe. Me plonger dans cette thématique m’a donné l’idée du spectacle. Du processus d’écriture-composition avec eux, j’ai tiré trois chansons, que j’ai retravaillées depuis. Les compositions en français voisinent désormais avec d’autres en portugais et en espagnol, ainsi que des chansons traditionnelles, surtout d’Argentine et du Pérou. »

Le spectacle est une traversée de l’Amérique Latine, une région dont les enfants d’ici entendent rarement parler. Arrivent-ils à vous suivre ?

Christine Audat : « Ils sont portés par la musique. On a déjà fait une centaine de dates avec ce spectacle, notamment au festival Villes des Musiques du Monde, avec les Jeunesses Musicales de France… Chaque fois, on me dit que les enfants sont pris par la musique, par le chant. La compréhension devient secondaire. Ils se laissent happer par la poésie du spectacle, par les sonorités aussi. Le premier chant est un chant qom, un peuple qui vit dans la forêt, au nord-est de l’Argentine ; personne dans la salle ne le comprend, à part moi. Il y a aussi des noms d’oiseaux dans plein de langues. Les enfants se laissent porter par le son des mots, par les mélodies, par les musiques. Je fais une phrase d’introduction à chaque chanson, pour dire de quoi elle parle, et je mélange les langues : je ne chante jamais trois chansons de suite dans une langue qu’ils ne comprennent pas, j’alterne, de façon à ce que l’attention soit maintenue. C’est également un spectacle assez participatif. Je les fais chanter, notamment un chant qom qui dit « Avant, on avait tout ce qu’il faut dans la forêt, des baies, des fruits et tout ce que nous donnait la rivière ». C’est très court, ça ne dit pas ce qu’il se passe « après », mais c’est important pour moi. La thématique écologique – pour dire les choses rapidement – est là mais elle n’est pas frontale non plus. Je parle de la diversité des paysages, de la faune, de la flore de cette région. Grâce à la thématique de la migration, il y a des aller-retours avec l’Europe : je chante les hirondelles, les tourterelles et les passereaux. Je n’aborde pas, par contre, les anents ou la dimension spirituelle de certains peuples d’Amazonie qui chantent pour entrer en communication avec les animaux. Je n’en parle pas parce que, pour moi, c’est intégré dans ma pratique du chant, c’est implicite. »

Pájaros fait surgir tout un bestiaire devant les enfants. Comment expliquez-vous leur proximité avec les animaux ?

Christine Audat : « C’est juste un rapport qu’il ne faudrait pas perdre… Nous sommes des animaux. Les enfants se rendent juste compte de cette parenté, voire de la communication qui peut nous lier. C’est comme si la coupure était moins profonde chez les enfants. Après, ici ou ailleurs, il y a plein d’adultes, notamment dans d’autres cultures, qui sont moins coupés de cette relation avec les animaux. Les enfants ont un rapport spontané avec les animaux. Il y a une identification très forte. Ça se fait de manière très naturelle. »

Comment ce spectacle jeune public s’inscrit-il dans votre parcours d’artiste ? Est-ce une simple parenthèse ?

Christine Audat : « C’est un spectacle qui compte énormément pour moi. Il y a des compositions originales et une dimension très forte de musiques du monde. Johanne Mathaly est au violoncelle, aux pédales de loop et aux chœurs. Je suis au chant, à la guitare et à plein d’instruments d’Amérique du sud. Pour moi, il est très important que les enfants écoutent ces musiques qu’ils ne découvriront ni à la télé ni à la radio et qu’ils aient accès à ces instruments qui ne sont pas courants. On a touché plus de 40 000 enfants depuis le début de la tournée et, pour moi, il est extrêmement précieux qu’ils entendent d’autres langues et, à travers ces langues, d’autres façons de penser et de se mettre en relation avec le monde. Il y a même une chanson dans une langue imaginaire, composée d’onomatopées ! Il y a là un message très fort en faveur de la liberté, qui a un vrai sens pour les enfants. J’ai découvert via ce spectacle jeune public leur exigence. Les enfants constituent un public beaucoup plus exigent que celui des adultes, au niveau de l’écoute et de l’attention. Quand j’ai commencé à réfléchir à ce spectacle, j’étais moi-même enceinte. Mais je travaillais avec des enfants depuis longtemps. En 2013, déjà, j’avais fait un disque qui s’appelait Echo-logiques avec 500 enfants de 3 à 10 ans. Ce n’était pas mon premier projet jeune public et je compte bien continuer parce que c’est très riche, même si je ne fais pas que ça… »

Photo de têtière : Jruzd (via Pixabay)
Pour aller plus loin...
Le site web de Christine Audat
La page Soundcloud d'Echo-logiques

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