Les punks, amis des animaux

Qui s’est déjà demandé pourquoi certains punks aimaient s’entourer de chiens ? Ou pourquoi d’autres laissaient un rat se tenir en équilibre sur leurs épaules ? S’amusant depuis ses débuts à renverser les stigmates, se décrivant volontiers comme idiot, le mouvement punk s’est laissé caricaturer. Ceux qui le connaissent mal sous-estiment donc la réflexion qu’il a permis, et notamment sur la question de la cause animale.

En réalité, même si le mouvement punk s’est avec le temps dissocié, fractionné en un grand nombre de chapelles parfois ennemies, nul ne peut nier que son indéfectible goût pour la liberté a laissé une marque profonde dans nos sociétés. S’opposant à la dictature de l’argent et du béton, des punks ont combattu des projets d’aéroport ou d’autoroutes. Les mêmes ou d’autres ont créé des espaces de vie autogérés radicalement démocratiques, tournés avant l’heure vers la permaculture et le végétarisme.

Conflict, un groupe formé en 1981 dans le sud de Londres, est emblématique de la lutte de certains punks contre le spécisme. Le sociologue Fabien Hein, maître de conférences à l’université de Metz, et l’éditeur Dom Blake l’expliquent dans l’ouvrage Ecopunk :

« C’est un véritable travail de propagande qu’entreprend le groupe dans les années 1980. Lors de ses concerts (qui finissent fréquemment en batailles rangées avec les forces de l’ordre), Conflict distribue par exemple des flyers sur lesquels figurent des plans d’accès à des cibles comme les restaurants de la chaîne McDonald’s ou des succursales de la Barclays Bank. Ils vont même parfois jusqu’à diffuser les adresses personnelles d’entrepreneurs du secteur agroalimentaire ou de chercheurs pratiquant la vivisection. En quelques années, Conflict, Chumbawamba et nombre de formations anarcho-punks ont ainsi fait de la cause animale l’un des critères distinctifs du punk anglais. »

Fabien Hein et Dom Blake, Ecopunk : les punks, de la cause animale à l’écologie radicale

Musicalement, Conflict fait partie de la deuxième vague du punk anglais. Finies les excentricités des Sex Pistols, les expérimentations rythmiques des Clash, les pitreries des Damned. Proche de Crass, Conflict fait passer le fond avant la forme. Meat means murder (« La viande, c’est le meurtre », 1983) ou Meat still means murder (« la viande, c’est encore le meurtre », quelques mois plus tard) ont des rythmes guerriers et des mélodies répétitives. Ces titres ne passeront pas à la postérité pour leur poésie. Mais il aurait été injuste d’évoquer les pionniers du rapprochement entre musique et engagement écologique sans les citer ou sans inviter à parcourir la discographie de Chumbawamba (G.B.), des Electro Hippies (G.B.) ou d’Anti-Flag (E.U.) à la recherche d’hymnes plus harmonieux en faveur de la cause animale…

Tu te plains de l’abattage des phoques, du massacre des baleines

Mais est-ce vraiment important qu’il vive sur terre ou sur l’eau ?

Tu n’as jamais eu de manteau de fourrure ; tu penses que c’est cruel envers le vison

Eh bien, que dirais-tu de la vache, du porc ou du mouton ?

Conflict, Meat Means Murder
Photo : Cénel et François Mauger
Pour aller plus loin...
Fabien Hein et Dom Blake : « Ecopunk. Les punks, de la cause animale à l’écologie radicale » (Le passager clandestin)

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