Zone Franche lance une « (Mini) Convention Climat »

La crise écologique préoccupe tous les professionnels de la musique, quel que soit le genre musical qu’ils défendent. Le réseau Zone Franche, qui réunit les acteurs des musiques du monde, vient de lancer de son côté sa « (Mini) Convention Climat ». Elle prend la forme d’une série d’ateliers participatifs. Jusqu’à l’automne 2021, un groupe de travail, accompagné d’experts, va définir une stratégie globale puis proposer des solutions aux membres du réseau pour qu’ils limitent leurs impacts environnementaux. Nous avons interrogé à ce sujet David Irle, du cabinet de conseil Aladir, le principal animateur de ces discussions

Vous venez de lancer avec le réseau Zone Franche une série d’ateliers. Comment s’est déroulé le premier rendez-vous ?

David Irle : Très bien. Ce premier rendez-vous était un peu particulier. Notre processus a vocation à être très participatif, on recherche une intelligence collective. Mais ce premier atelier était plus « descendant ».. Il s’agissait d’expliquer nos modalités d’organisation et de faire une première séquence un peu à l’image de la première séquence de la Convention citoyenne pour le climat : l’objectif était de transmettre à l’ensemble des participants l’état des connaissances scientifiques sur le sujet des transitions climatiques, énergétiques et digitales. Il faut que l’ensemble des participants aux ateliers ait une sorte de base commune. J’ai l’impression que ça a été bien reçu et que les participants l’ont bien vécu. Pourtant, ce n’est pas un sujet facile. Il y a plein de choses qui peuvent être un peu déprimantes. Mais je crois que ce premier rendez-vous a été mobilisateur…

Zone Franche parle d’une « (Mini) Convention Climat ». Pourquoi avoir choisi ces termes ?

David Irle : On a une grande ambition, comme la Convention citoyenne pour le climat, qui est de travailler le sujet spécifique de la baisse des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des musiques du monde… L’ambition est grande mais on utilise le mot « Mini » parce qu’on a envie de rester humbles. On n’a ni le budget ni le temps de la Convention citoyenne pour le climat. C’est plutôt une convention climat au format de poche…

David Irle (photo : Marielle Rossignol)

Qu’est-ce qui, dans votre parcours, vous permet de conseiller des professionnels du spectacle souvent très expérimentés ?

David Irle : Moi-même, j’ai travaillé dans le spectacle. J’ai travaillé pendant 10 ans pour une structure qui s’appelait « Réseau en scène Languedoc-Roussillon » et qui, depuis la fusion des régions, s’appelle « Occitanie en scène ». Cette structure est spécialisée dans le soutien à la diffusion des équipes artistiques et dans l’accompagnement des lieux de diffusion. Les enjeux des professions culturelles, je les connais donc très bien. Depuis, je me suis formé, plus de 3 ans. J’ai monté mon cabinet d’accompagnement et de conseil sur les questions environnementales et, avant tout, sur la question des enjeux énergétiques en rapport avec le climat et celle des impacts carbones. C’est ma spécialité. Ça ne veut pas dire que je suis « sachant » : j’ai constitué autour de moi une équipe d’experts, des gens vers qui je peux me tourner pour aller chercher de l’information qualifiée. Je veux pouvoir fournir au professionnel des données scientifiques de qualité. C’est la difficulté : sur ces sujets, il y a beaucoup de bruit, beaucoup d’informations, mais pas toujours qualifiées. Je n’ai pas une compétence d’ingénieur ou de climatologue mais plutôt une compétence en termes de réseaux : je sais mettre en lien les professionnels de la culture et les experts du climat ou des impacts carbone.

Les prochaines rencontres porteront sur la mobilité des artistes. C’est un sujet particulièrement délicat pour le secteur des musiques du monde. Comment allez-vous l’aborder ?

David Irle : On l’a déjà partiellement abordé dans la séquence d’ouverture… Souvent, le secteur commence par se poser la question de la mobilité des artistes alors que ce n’est pas là le principal. Ce n’est pas le plus gros gisement de décarbonation, de baisse des impacts. Il faut plutôt regarder du côté de la mobilité des spectateurs… On peut imaginer une stratégie de décarbonation d’un réseau comme Zone franche axée sur la baisse de l’impact de la mobilité des spectateurs, pour préserver au maximum la mobilité internationale des artistes, qui va être difficile à décarboner. C’est vraiment tout l’enjeu : comment, dans ce réseau, cette circulation internationale des artistes peut-elle être préservée et défendue, notamment quand ce sont des artistes d’Afrique, d’Amérique latine ou d’outre-mer ? Ça ne veut pas dire qu’on ne va pas travailler sur la question de la mobilité des artistes, c’est d’ailleurs le sujet du premier atelier. Mais on va rappeler l’importance du contexte et redire que ce n’est pas forcément là que se situe l’essentiel du gisement en termes de décarbonation. Ce n’est peut-être pas la question centrale. C’est une erreur que fait souvent le secteur quand il analyse ses impacts a priori.

Quand cette série de rencontres virtuelles doit-elle s’achever ?

David Irle : En mai, on n’aura fini que la première session de travail. Elle doit faire émerger ce que les professionnels de la culture peuvent avoir déjà mis en place comme bonnes pratiques. Nous voulons identifier des initiatives qu’il serait possible de disséminer dans le réseau. Les questions de l’éco-responsabilité ou de la réduction des impacts environnementaux n’ont rien de neuf. Des professionnels de la culture travaillent sur ces sujets depuis déjà plusieurs années. On veut essayer de faire un travail de cartographie. Ensuite, dans une deuxième session qui aura lieu en juin, puis une troisième en septembre, avec le même groupe de travail, on essaiera de faire émerger des propositions de transformation des modes d’organisation, de transformation des structures, voire – pourquoi pas ? – d’interpellation des institutions.

Pour vous, quel sera l’événement, le propos ou le signe qui vous fera ensuite vous dire « Ces rencontres ont servi à quelque chose » ?

David Irle : Ce qui va nous permettre de dire que c’est réussi, ce sont les mesures. Elles devront être pertinentes, c’est-à-dire acceptables par l’ensemble des professionnels de la culture et par le réseau, et dans les clous des objectifs de décarbonation des Accords de Paris. Je le rappelle : on doit arriver à -80 % d’émission de gaz à effet de serre dans les 30 prochaines années. On va proposer des choses qui pourront peut-être être mises en place à court terme. On ne va pas s’interdire d’en proposer d’autres en sachant qu’elles demandent un accompagnement de l’institution, à moyen ou long terme. Le réseau a envie de s’inscrire dans une stratégie de décarbonation mais il ne pourra pas le faire tout seul, sans un accompagnement extérieur. L’idéal serait qu’on arrive, à la fin de cet exercice, à un plaidoyer pour la défense des musiques du monde, avec un haut niveau d’ambition environnementale mais qui tienne compte du contexte…

Les travaux ont donc une dimension pratique mais aussi une dimension politique…

David Irle : Complètement ! Sur ces sujets, si on n’est que dans le technique, la pratique, on passe à côté du principal. L’éco-responsabilité seule, n’est finalement, quand on analyse, quand on observe les chiffres, pas à la hauteur des enjeux, en termes de transformation et de baisse des impacts. On a besoin d’aller un peu plus loin, de se poser la question de la réorganisation collective. Et ça, ça nous mène assez vite vers la dimension politique du problème. On veut vraiment aller jusqu’à réinterroger les modes d’organisation de tout le système…

Photo de têtière : Cénel et François Mauger
Pour aller plus loin...
Le site du réseau Zone Franche : www.zonefranche.com

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