Helen Anahita Wilson est déjà passée par là : la compositrice, pianiste et artiste sonore a subi un traitement contre le cancer. L’épreuve a été, selon ses mots, « difficile » mais la jeune femme est guérie. En pensant à celles et ceux qui lui succéderont dans l’environnement stérile des centres de cancérologie, Helen Anahita Wilson vient de publier Linea Naturalis, un morceau de 45 minutes, soit le temps moyen qu’il faut pour que le contenu d’une poche de chimiothérapie pénètre dans l’organisme.
De nombreuses médicaments anticancéreux sont issus de plantes. Helen Anahita Wilson a donc enregistré dans un jardin botanique, le Chelsea Physic Garden de Londres, 28 espèces utilisées dans les traitements : l’if (Taxus baccata), le pin japonais à queue de vache (Cephalotaxus harringtonia « fastigiata »), la pervenche de Madagascar (Catharanthus roseus), le pavot (Papaver somniferum), le sisal (Agave sisalana)…
La compositrice a capté les signaux bioélectriques des plantes au niveau des pétales, des feuilles, des troncs et des branches, jouant sur la différence des résultats obtenus, les pétales produisant une grande variété de notes et de rythmes, tandis que les troncs bourdonnent lentement. Ces signaux végétaux ont ensuite été convertis en données musicales. Les pétales de la pervenche de Madagascar sont par exemple associés à une harpe, alors que l’écorce de l’if anglais est couplée à un son de violon alto. Toutes ces lignes instrumentales ont été combinées et agencées pour obtenir une composition à la fois apaisante et colorée.
Tous les bénéfices des téléchargements de l’album, effectués, par exemple, via Bandcamp, seront reversés à Maggie’s, une organisation caritative qui offre soins et soutien aux personnes atteintes de cancer dans tout le Royaume-Uni.
Plus familière du jazz et des musiques indiennes (son duo avec le joueur de tabla Shahbaz Hussain a attiré l’attention de la presse spécialisée jusqu’au Mexique), d’ailleurs chercheuse à la School of Oriental and African Studies de Londres, Helen Anahita Wilson fait ici ses premiers pas dans le domaine de ce que Jean Thoby appelle la « musique des plantes ». « J’ai fait deux expériences plus tôt dans l’année, en avril, avec la Catharanthus roseus et la Camptotheca acuminata. Ces travaux avaient un caractère assez différent de celui de Linea naturalis et je les ai joués au Café Oto, à Londres, dans le cadre d’un nouveau projet, Body of Truth » explique-t-elle. « Mon prochain projet basé sur les plantes explorera les bio-données des herbes et des légumes. Je suis très impatiente de le faire entendre au public. Il existe au Royaume-Uni un groupe restreint mais passionné de musiciens qui pratiquent la musique des plantes de diverses manières. Il s’agit parfois de performances live dans des parcs et jardins, parfois de bandes sonores pour la télévision, le cinéma ou la radio… Il y a eu des performances collaboratives vraiment intéressantes : des improvisateurs réagissaient en direct à des données sonores d’origine végétale » se souvient Helen Anahita Wilson, qui conclut « J’aimerais voir davantage de ces événements se produire au Royaume-Uni. »
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin... Le site web d'Helen Anahita Wilson