Thibault Eskalt : « On sent dans ma musique ma passion pour les grands espaces »

Sa voix rappelle Christophe, l’homme aux Mots bleus, mais son goût des voyages le rapproche de Gérard Manset. Thibault Eskalt poursuit les aventures musicales des pionniers de la pop en français, tout en les ancrant dans son époque, celle de Bon Iver et de Ry X, celle des réseaux sociaux et du changement climatique. Thibault Eskalt fait d’ailleurs tourner actuellement un spectacle intitulé « Le dernier homme sur terre », qui fait le lien entre musique, projections vidéo et performance en solitaire. Il s’explique…

« Le dernier homme sur terre », est-ce de l’anticipation ou un retour vers vos années de voyage en solitaire ?

Thibault Eskalt : « Disons que ce sont mes années de voyage en solitaire qui m’ont amené à créer ce récit d’anticipation. C’est une sorte d’autobiographie mêlée d’écologie, qui place mon personnage dans un territoire désertique, potentiellement détruit par un cataclysme climatique. »

Avant de préparer ce spectacle, vous avez passé une dizaine d’années à voyager. Que vous ont appris vos années de voyage ? Et comment ont-elles nourri votre musique ?

Thibault Eskalt : « En fait, pendant cette dizaine d’années, il y a eu des voyages mais aussi des temps de pause, des temps de travail… J’ai beaucoup erré avant de me stabiliser, avant de devenir l’homme que je suis maintenant. Il y a eu des expériences dans la forêt, des aventures en Islande, en Irlande, des road trips… J’ai beaucoup observé les paysages défiler sous mes yeux. Pendant ces voyages, j’ai beaucoup apprécié de voir les climats changer devant mes yeux : la brume se lève, la pluie arrive, elle passe, il y a un arc en ciel… J’aime l’idée de traverser les éléments et tout se prendre dans la face. Je voulais que ma musique soit exactement comme un voyage, que l’auditeur traverse différents climats en assistant au spectacle ou en écoutant mon disque. Je voulais que l’auditeur ait l’impression d’être dans un train qui traverse des contrées éloignées et qui donne envie de vivre et de voyager. »

Comment parvenez-vous à retranscrire dans votre musique la proximité avec les éléments à laquelle vous êtes parvenu pendant vos voyages ?

Thibault Eskalt : « Par le silence, par la sensation d’espace… On sent dans ma musique ma passion pour les grands espaces. On la sent aussi dans ma façon de la mettre en image et en scène. Je travaille la musique et la vidéo en même temps, ce qui donne à la première un aspect cinématographique. C’est en observant la nature, en l’observant à travers la fenêtre du train ou de la voiture, que j’ai choisi d’orienter ma musique dans ce sens-là, que j’ai conçu une musique à la fois climatique et cinématographique. »

Vous parlez de « musique climatique ». Est-ce un concept que vous partagez avec certains des artistes qui vous servent de référence ?

Thibault Eskalt : « Ce qui m’intéresse, c’est que la chanson arrive à poser une ambiance. Chaque titre possède une ambiance différente, que j’appelle un « climat ». Chaque titre est une étape dans mon voyage et dans le voyage de l’auditeur. Je retrouve cette idée chez plusieurs artistes, comme Ry X, un chanteur australien qui travaille sur l’ambient, sur les résonances, sur la notion de pureté de la musique… La pureté de nos émotions, c’est souvent lorsqu’on est seul en train de voyager, en train de contempler ce qui est autour de nous, qu’on a le temps de la retrouver, dans un geste d’introspection. Il y a aussi bien sûr Christophe, qui m’inspire beaucoup (même si, finalement, je ne l’écoutais pas beaucoup avant que quelqu’un fasse le rapprochement entre lui et moi). »

Finalement, quand vous parlez de « climat », il s’agit plutôt de climats intérieurs, psychologiques, plus que du climat extérieur, en plein bouleversement…

Thibault Eskalt : « Oui, ce sont des climats intérieurs, des humeurs, une sorte de météo humaine ; c’est une façon de symboliser nos émotions. Mais la notion de crise climatique est également présente dans les textes. Je me pose quand même beaucoup de questions dans ces chansons sur l’avenir, sur le monde qu’on va laisser à nos enfants. J’ai grandi dans un monde qui est complètement différent de celui dans lequel je vis. Je prends une grosse claque chaque fois que je le constate. Je me pose des questions pour mon fils : que va donner le changement climatique qu’on observe en ce moment ? C’est le problème le plus important de notre époque. Ce qu’on vit, les générations d’avant ne l’ont pas vécu. Beaucoup de romans d’anticipation anticipaient en fait notre époque. Lors de vacances avec mon fils, je voyais des champignons de fumée partout autour de nous, parce que tout était en train de brûler. C’est absolument dingue. Cette thématique est le sous-texte de mon spectacle, un spectacle d’ailleurs écoresponsable : j’ai recyclé des éléments de décor, tout est conçu pour pouvoir tourner en équipe réduite (un technicien, un artiste et un véhicule permettant le covoiturage)… On utilise une seule prise de courant et on peut même jouer sans électricité, n’importe où. Dans ma musique, il y a toujours ce côté itinérant : c’est une musique qui fait voyager et qui voyage… »

Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web de Thibault Eskalt

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