Tiens, revoilà Victor Hugo ! Le trio auvergnat Argil met en musique trois des poèmes du grand homme des débuts de l’industrialisation, Aux arbres, Soleils couchants et La coccinelle. Martial, Delphine et Théotime adaptent également des textes de Paul Verlaine, Anna de Noailles, Georges Sand ou Charles Baudelaire, sur un album de folk où leurs voix s’entremêlent. Ils nous expliquent leur démarche…
Dans quelles forêts, sur quels sommets êtes-vous allés chercher l’inspiration pour les mélodies de votre premier disque ?
Martial : « Nous venons des volcans d’Auvergne. L’inspiration pour cet album est née de longues et régulières balades dans une forêt située à la frontière entre les départements du Puy de dôme et de la Haute-Loire, sur la commune d’un petit village de 120 habitants qui se nomme Chambezon. Ce site est tout proche du lieu où nous habitons, Delphine et moi. La route s’arrête dans le village. Autour, il y a des champs et tout près une vallée. La nuit, nous entendons régulièrement le brame du cerf, un grand duc, des effraies, nous avons beaucoup de chance. Le village est bordé en grande partie de petites forêts de chênes. Il est tout proche d’un plateau dominant le site. Parfois, par temps clair, on peut apercevoir le Puy de Dôme, le Cézallier et les Monts du Cantal. Sur le plateau, pour être précis, il y a un énorme chêne isolé que je surnomme « mon arbre », c’est un arbre maître. Je vais souvent le voir, je m’allonge sur une de ses grosses branches et je passe de longs moments à écouter les bruits de la nature. C’est très inspirant, je me laisse porter par cette ambiance. Souvent, je reçois la visite d’oiseaux ou d’autres animaux qui viennent me surprendre. Et je repars souvent avec des réponses et beaucoup d’énergie. »
Pourquoi avez-vous choisi de mettre en musique des poèmes des siècles passés ?
Martial : « Au retour de ces balades régulières pendant la pandémie, je lisais des poésies pour m’évader encore et un jour je me suis lancé le défi de mettre ces beaux textes en musique. Je les sélectionne pour leur musicalité, leur rythme naturel et bien sûr la beauté des mots. Il était évident pour moi à ce moment-là que le thème de l’album serait la nature. Ce n’était pas dans le but de faire un disque, c’était un plaisir personnel, une bulle dans laquelle je me sentais ailleurs. Delphine passait souvent au studio écouter ce qui s’y passait et elle m’a vite encouragé à en faire un disque. Plusieurs fois, elle a eu les larmes aux yeux, touchée par les mélodies, les voix (j’en écrivais déjà trois). Petit à petit, nous avons créé ce répertoire et travaillé ensemble, jusqu’à la rencontre magique avec Théotime, avec qui nous avons arrangé et peaufiné les titres. Nous partageons tous les trois cette même passion, l’amour de la nature et des belles choses. C’est une vraie alchimie ! »
Delphine : « Les textes sont très actuels, d’une part car la beauté de la nature est intemporelle, immense, intacte. Ils parlent aussi du rapport qu’un homme entretient avec elle : l’émotion qui naît de cette rencontre reste sans doute la même. A leur lecture, on comprend vite que ces auteurs étaient des contemplatifs, leurs descriptions sont sublimes. D’autre part, ces poètes étaient des personnalités très engagées, pour citer un exemple, Georges Sand a écrit A Aurore quelques années avant sa mort pour sa petite fille, afin de lui transmettre un message d’ amour pour la nature. Nous avons été touchés par son engagement aux côtés des peintres de Barbizon pour sauver la forêt de Fontainebleau qui déjà à l’époque était menacée par des coupes rases. Après des années de combats, ce site deviendra le premier parc naturel protégé au monde, bien avant Yellowstone aux États unis. »
Pour parler de la nature, vous choisissez la méthode douce : guitares acoustiques et voix à l’unisson. Pourquoi ? Vous n’êtes jamais adepte de la méthode forte ?
Delphine : « Les titres sont nés autour d’une guitare acoustique, après plusieurs heures en forêt, au printemps, à partir de puissants poèmes mythifiant la beauté de la nature, ce doit être pour ça ! Nous avons souhaité une ambiance boisée et chaleureuse, des claviers analogiques, des sonorités douces et enveloppantes, parce que, oui, c’est vraiment ce que l’on ressent sous les arbres. C’est un peu comme lorsqu’on observe le ciel, c’est une beauté tellement immense qu’on se sent apaisé. Mais nous avons aussi tous les trois un côté rock, voire punk, assez prononcé (peut être l’objet d’un futur autre groupe, qui sait?). Les rockeurs nous aiment bien, finalement. Ce n’est qu’une question d’habillage. Au fond, on doit avoir des influences communes. La question de l’unisson est intéressante. Oui, c’est vrai, on se sent plus fort quand on est tous les trois. J’aime beaucoup les chants polyphoniques slaves, par exemple, ou des groupes comme les Beach Boys, Fleet Foxes… »
Théotime : « Je crois que la méthode forte ne nous convient pas, du moins pour ce disque. Même d’un point de vue personnel, je n’ai plus trop envie de mener des combats de front sur ce sujet. Il y a peu, je faisais encore des manifestations mais je me rends compte que ça me rend juste malheureux, car on prend conscience de son impuissance. On descend dans la rue puis finalement rien ne se passe, on finit par rentrer chez soi. La seule manifestation qui m’ait réellement apporté quelque chose, c’est celle où j’ai rencontré Martial. Au final, je dirais que cet album a une démarche plus contemplative. C’est une invitation au lâcher prise, on apporte les choses en douceur. »
Quelle suite donner à pareil album ?
Delphine : « Un autre ! En tout cas, on en a très envie ! Nous attendons d’abord d’être surpris nous-mêmes ! Le premier a surtout été composé par Martial, le suivant ressemblera sans doute un peu plus aux trois membres du groupe. En tout cas, l’écriture et les compos ont déjà commencé. Ce sera nos textes, il y aura toujours des guitares acoustiques, des voix, mais sans doute plus de percussions. Nous prévoyons de sortir un single à l’automne 2023 ! »
Photo de têtière : François Mauger
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