Chris Audat : « J’ai voulu rendre hommage aux personnes qui défendent l’eau »

En Australie, l’ « Environmental Music Price » n’a aucune peine à sélectionner chaque année une vingtaine de titres de qualité dédiés aux combats écologistes. Et en France ? Pas de Midnight Oil, c’est sûr, ni de Xavier Rudd… Mais, sans qu’il n’y ait de mouvement coordonné ni de couverture médiatique massive, nombre d’artistes s’engagent. Aux côtés de Thibault Eskalt, de Voyou ou d’Argil, Chris Audat est l’une de ces voix qui s’élèvent. La chanteuse franco-péruvienne publie un mini-album aquatique, Agua sí, qui navigue entre chanson française et musiques populaires des Andes. Discussion avec une ambassadrice qui mériterait amplement d’être nominée à un « Prix de la musique environnementale » s’il s’en créait un en France…

D’où vient ce slogan « Agua si, oro no » ?

Chris Audat : « « L’eau oui, l’or non » est le slogan des manifestants qui défendent l’eau face aux méga-projets miniers en Amérique du Sud. Il a été scandé par les populations opposées aux projets de mine d’or à ciel ouvert à Celendín – Cajamarca au Pérou, à Famatina – La Rioja en Argentine ou à Santurbán en Colombie. Ces projets menacent d’assèchement et de pollution les sources, lagunes et cours d’eau de régions entières car le processus d’extraction requiert énormément d’eau (1 000 litres pour 1 gramme d’or) et les mines rejettent des eaux contaminées malgré leur traitement. Une des représentantes de ce mouvement est Máxima Acuña, paysanne andine qui a reçu le Goldman de l’environnement pour sa lutte pacifique contre une entreprise minière au Pérou. C’est à son courage et à sa détermination que j’ai voulu rendre hommage dans la chanson « Agua sí oro no ». À elle et à toutes les personnes qui défendent l’eau et l’environnement au péril de leur vie. »

Une autre chanson évoque le refuge que peuvent être les piscines. D’où vous vient cette obsession de l’élément liquide ?

Chris Audat : « De ma passion pour le vivant, pour la fluidité dans le mouvement. Cela me vient de l’apaisement immédiat que me procure l’eau. De ma soif assouvie, de ma hantise face à la raréfaction de l’eau potable. J’ai écrit cet album enceinte, le lien avec la vie naissante dans mon placenta – milieu liquide par excellence – a largement participé à ma dévotion pour cet élément. J’ai grandi à Paris loin de toute baignade possible en milieu naturel sain, la piscine municipale de mon quartier a souvent été un lieu de défoulement et de réconfort. D’ailleurs, si vous y mettez un pied à l’horaire de sortie de bureau, vous vous rendrez compte de son rôle de réceptacle de stress urbain ! Pour ma part, chaque coulée et brassée me ramenait aux délices de baignades en rivière ou en mer. Quand je vivais à Lima, je partais à l’aube piquer une tête dans les rouleaux du Pacifique. Une puissance qui vous remet tout de suite à votre place d’être humain vulnérable, vivant et si passager. « Agua sí », l’eau oui. Limpide, claire, transparente. Une affirmation positive et optimiste de jouissance et de défense à tout prix… »

L’Amérique latine est au cœur de vos chansons mais est quasiment inexistante dans les médias français. Devrait-on faire plus attention à ce qu’il s’y passe, notamment en matière d’écologie ?

Chris Audat : « Certainement ! Nous pourrions nous inspirer des cosmovisions de nombreux peuples en Amérique latine qui respectent profondément les éléments et les êtres vivants. Dans les Andes, il s’agit de la Pachamama pour la Terre mère, des Apus pour les montagnes ou de Mama Yaku pour l’eau. On demande permission et protection aux arbres avant d’entrer en forêt, on les remercie si on les utilise pour se construire une maison, pour se chauffer ou cuisiner. C’est un rapport intime et sacré qui enchante le quotidien et limite les usages superflus des ressources naturelles. Nous pourrions prendre conscience de notre responsabilité à l’heure d’acheter un bijou en or issu de l’extraction illégale ou de manger un énième steak de viande bovine nourrie au soja issu de la déforestation. Nous pourrions nous solidariser encore plus avec les luttes de là-bas pour fortifier un contre-pouvoir vital qui se joue tant à l’échelle locale que mondiale. Et ce d’autant plus à l’heure des sanglantes répressions policières en France (comme à Sainte-Soline), qui sonnent l’alarme de méthodes des gouvernements les plus autoritaires et corrompus d’Amérique latine. »

Photo de têtière :
Pour aller plus loin…
Le site web de Chris Audat
Un article de Reporterre sur  le projet Conga à Celendín 

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