Jon Hopkins : des enregistrements de terrain pour libérer l’esprit

Le psychédélisme n’est pas apparu dans les années 1960. Même si le mot est un néologisme forgé dans les années 50 par le psychiatre Humphry Osmond, la fascination pour les hallucinogènes date de la nuit des temps, du jour où les premiers hommes ont découvert les vertus psychotropes de plantes telles que le peyotl (Lophophora williamsii), le pavot (Papaver somniferum) ou la coca (Erythroxylum coca), dans un monde où chaque son parlait à l’imagination. Sur son nouvel album, Jon Hopkins renoue avec l’atmosphère de ces temps anciens : la plupart de ses nouveaux titres visent l’altération de la conscience en s’appuyant sur des enregistrements de terrain.

Le musicien anglais – qui a été un pianiste prodige, a participé au lancement de Coldplay, a collaboré avec Brian Eno et a été nominé aux Grammy Awards pour son album précédent, Singularity – est en effet allé enregistrer dans la partie équatorienne de l’Amazonie, en compagnie du neuroscientifique Mendel Kaelen. Là, au bord du territoire des Achuar, l’ethnie qu’a étudiée Philippe Descola, a capté le ruissellement de l’eau, les appels lointains des animaux… Il a même longuement séjourné dans la Cueva de los Tayos, une grotte naturelle à laquelle on accède par un puits profond de 60 mètres et dont les galeries s’étendent sur presque 5 kilomètres.

Son acoustique, ses échos profonds, les bruits du monde à ses portes, tout se fond dans les nouvelles compositions du musicien, destinées à accompagner la prise de substances hallucinogènes. Il collabore en effet avec Rosalind Watts, psychologue et responsable des essais cliniques menés à l’Imperial College de Londres pour le traitement de la dépression aux moyens de la psilocybine, du LSD ou de la ketamine. Plutôt que les œuvres de Bach ou Brahms, des compositeurs qui n’ont certainement jamais laissé une substance modifier leurs états de conscience mais dont les œuvres servent pourtant régulièrement de bande-son à ces expériences, Jon Hopkins propose sa Music For Psychedelic Therapy, faite de lentes progressions d’un son à l’autre, sans percussions. Avec ses chants d’oiseaux, ses bruissements humides et ses apaisants bourdonnements synthétiques, la suite des trois Tayos Caves, Ecuador est emblématique de sa démarche. « Je voulais déplacer la conscience de l’auditeur de l’intérieur vers l’extérieur » a expliqué Hopkins au New York Times. Y réussit-il ? Difficile d’en être sûr, tant les mots nous manquent parfois pour décrire les mouvements de l’âme, mais écouter son nouvel album est effectivement une expérience infiniment plus troublante que de subir la mièvrerie stéréotypée des habituelles productions new age…

Photo de têtière : Cénel et François Mauger
Pour aller plus loin...
La page Bandcamp de Jon Hopkins
L'article du New York Times

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *