Scènes mobiles et autonomes : une nouvelle expérience à Beauvais

Voilà un centenaire qu’on ne fêtera pas (dommage) : il y a un siècle, au sortir de la Première Guerre mondiale, les salles dédiées aux musiques populaires se mettaient l’une après l’autre à amplifier le chant, malmené par l’irruption de ce qu’on appelait alors le « jase » et qu’on appelle aujourd’hui plus communément « la batterie ». Depuis, les scènes n’ont jamais cessé de changer. Les techniques de sonorisation ont connu plusieurs révolutions, comme l’ensemble des projecteurs, des règles de sécurité ou des stratégies de billetterie. Une nouvelle révolution est en cours mais elle entraîne les musiques populaires dans un sens contraire à celui que prônaient les précédentes, qui produisaient toujours plus de décibels, de watts et de spectacle. Désormais, les mots d’ordre sont « autonomie », « mobilité » et « économie d’énergie ». L’ASCA, une association de Beauvais gérante de la SMAC (Scène de musiques actuelles) « l’Ouvre-Boite », travaille ainsi sur un prototype de scène mobile. Emilie Gresset, responsable du pôle médiation et du jeune public, détaille son projet…

Qu’est-ce qu’une « scène à vélos » ?

Emilie Gresset : « Une « scène à vélos », c’est une scène mobile alimentée en énergie par des vélos générateurs et des panneaux solaires. L’énergie nécessaire à la sonorisation et aux lumières est stockée dans des batteries notamment alimentées par l’action des spectateurs. »

Comment se déplace-t-elle ?

Emilie Gresset : « Elle est tractée par un véhicule qui l’emmène à l’endroit où aura lieu le concert. »

Design : L’Equipage / Conception, mise en œuvre et exécution : Les Sens du Bray / Appui à la conception acoustique : studio C&P

A quels besoins répond-elle ?

Emilie Gresset : « Je connaissais des gens qui avaient construit une scène mobile dans les Vosges. Elle était assez artisanale, ils avaient fait ça avec les moyens du bord. Il fallait beaucoup de manutentions pour l’installer quelque part. J’avais cet exemple en tête depuis un moment. Pendant la période de pandémie, on a été sollicité plusieurs fois pour des concerts en extérieur, pour lesquels on n’avait pas d’outils adaptés. Nous-mêmes, à l’ASCA, on n’a pas d’espace extérieur. Nous voulions pouvoir nous adapter aux nouvelles conditions sanitaires. Mais ce projet répond aussi aux problématiques du milieu rural. Autour de Beauvais, les communes ou les communautés de communes cherchent des solutions clés en main pour organiser des événements culturels. Elles ne sont pas forcément équipées. L’idée était d’aller à la rencontre de tous les publics en allant organiser des concerts sur place, en milieu rural ou au pied des immeubles dans les quartiers. Enfin, il y a un aspect de sensibilisation des publics à la maîtrise de l’énergie, une sensibilisation qui devait se faire de manière ludique… »

Vers qui vous êtes-vous tournée pour élaborer le prototype ?

Emilie Gresset : « On s’est tourné vers un bureau d’études, qui s’appelle Les sens du Bray. C’est l’une des associations adhérentes de la Maison de l’économie solidaire de Lachapelle-au-Pot. On a beaucoup de chance d’avoir ce bureau d’étude sur notre territoire, parce qu’ils ont l’habitude de construire des tiny houses, de petites maisons transportables, avec des matériaux écologiques ou recyclés. Comme ce projet de « scène à vélos » est pensé pour s’adapter au changement climatique, cela avait du sens pour moi que ce soit aussi construit localement, avec des matériaux écologiques et des matériaux de seconde main. On a travaillé avec Les Sens du Bray et on a été conseillé par une toute jeune structure, qui s’appelle l’Equipage et qui fait de l’accompagnement en coopération territoriale. »

Design : L’Equipage / Conception, mise en œuvre et exécution : Les Sens du Bray / Appui à la conception acoustique : studio C&P

Une partie importante de votre travail a consisté à mener des concertations, avec les acteurs locaux d’un côté et avec les financeurs régionaux, nationaux ou européens de l’autre. Tous ont-ils été aisément convaincus de l’intérêt de la « scène à vélos » ?

Emilie Gresset : « Oui ! J’ai été surprise. Je ne m’attendais pas à ce qu’ils soient aussi enthousiastes. J’ai l’impression que c’est dans l’air du temps. Je remarque qu’il y a de plus en plus de scènes mobiles. Je vois aussi qu’il y a beaucoup d’appels à projets et de conférences sur l’adaptation du secteur culturel aux contraintes climatiques. Il y a un séminaire organisé par le Ministère au mois de juin, un autre à Beaubourg à la rentrée. Finalement, notre projet n’est qu’une goutte d’eau dans un océan d’initiatives. Chez nous, il fait partie d’un plan vert sur lequel on a commencé à travailler quand on a imaginé la « Scène à vélo », à l’automne 2020… »

Quand pourra-t-on assister au premier concert donné sur la « scène à vélos » ?

Emilie Gresset : « Pour l’instant, on travaille sur une expérimentation. Nous préparons un prototype. Il pourrait ensuite devenir un modèle pour d’autres structures. On espère donner le premier concert en septembre. La construction est lancée mais on n’est jamais complètement sûr des délais… »

Photo de têtière : Cénel Fréchet-Mauger
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Pour aller plus loin...
Le site web de l'ASCA
Les pages dédiées au projet de "Scène à vélo"
Le site web des Sens du Bray 
Le site web de L’Equipage

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